Cass. Soc. 17 octobre 2018, n°17-16.465
Dans un arrêt du 17 octobre 2018 (n°17-16.465), la Chambre sociale de la Cour de cassation juge, pour la première fois à notre connaissance, que « le règlement intérieur s’imposant aux salariés avant le transfert de plein droit de leurs contrats de travail, aux termes de l’article L.1224-1 du code du travail, vers une société nouvellement créée [n’est] pas transféré avec ces contrats de travail, dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi et que l’article R.1321-5 du même code impose à une telle entreprise nouvelle d’élaborer un règlement intérieur dans les trois mois de son ouverture » et en déduit que « l’application par la nouvelle société DHL international express de ce règlement intérieur en matière disciplinaire [constitue] un trouble manifestement illicite qu’il lui [appartient] de faire cesser ».
Il en résulte donc qu’en cas de transfert automatique de salariés (notamment à une entreprise nouvellement créée) par l’effet de l’article L.1224-1 du Code du travail, le nouvel employeur ne peut pas appliquer le règlement intérieur qui avait cours dans l’entreprise cédante. Le nouvel employeur doit mettre en place son propre règlement intérieur, en respectant les formalités légales applicables à l’adoption de tout nouveau règlement intérieur, avant de prononcer une sanction pour qu’elle soit opposable au salarié.
Si cette décision semble logique, elle mérite d’être soulignée dans la mesure où le Code du travail ne dit rien à ce sujet.
En effet, l’article L.2261-14 du Code du travail se limite à disposer que les conventions et accords collectifs sont mis en cause par l’effet d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité. Concernant les sources non conventionnelles du statut collectif (essentiellement constitué des usages ainsi que des engagements unilatéraux et atypiques), la jurisprudence considère qu’elles survivent à la modification de la situation juridique de l’employeur.
Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle que le règlement intérieur n’est pas assimilable à un engagement unilatéral et qu’il constitue, dès lors qu’il est régulièrement pris, un acte réglementaire de droit privé (Cass. soc. 25 septembre 1991 n° 87-42.396), dont les conditions sont précisément encadrées par la loi. Il ne suit donc pas le même régime que les usages et engagements unilatéraux qui sont adoptés par l’employeur à l’égard d’une communauté de travail et qui survivent au transfert d’entreprise.
l’application par le nouvel employeur du règlement intérieur qui était en vigueur au sein de l’entreprise cédante constitue un trouble manifestement illicite
La Cour de cassation ajoute que l’application par le nouvel employeur du règlement intérieur qui était en vigueur au sein de l’entreprise cédante constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. Son application doit donc être suspendue tant que les formalités légales et réglementaires ne sont pas accomplies.
Pour rappel, la procédure de modification et/ou d’adoption d’un règlement intérieur requiert (i) l’avis préalable des représentants du personnel (de l’entreprise cédante/absorbée le cas échéant, dont les mandats se poursuivent après le transfert – CE 20 mars 2017 n° 391226), (ii) sa communication à l’inspection du travail, (iii) son dépôt au greffe du conseil de prud’hommes et (iv) une obligation de le porter, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche (article L.1321-4 et R.1321-1 et suivants du Code du travail).
Cet article a été écrit par Cristelle Devergies-Bouron