Com. 30 juin 2015, FS-P+B, n° 13-28.846

Offrant une mise en perspective des régimes de responsabilité du commissionnaire de transport et du transporteur aérien de marchandises, cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation est riche de plusieurs enseignements.

Les faits méritent d’être connus : la société BIOMERIEUX a confié à un commissionnaire, la société GEODIS, l’organisation du transport de produits pharmaceutiques depuis la France vers le Canada étant précisé que les produits devaient rester congelés à une température précise comprise entre -31 et -19°C. La société AIR FRANCE devait prendre en charge le transport aérien jusqu’à l’aéroport alors que la société AFFILIATED assurait le parcours final qui devait être accompli par transport routier. Cependant, suite à la prise en charge tardive des produits pharmaceutiques par le transporteur routier, i.e. seulement le lendemain de l’arrivée à l’aéroport, il s’est avéré lors de l’enlèvement que les produits étaient décongelés.

La société pharmaceutique a assigné le commissionnaire de transport qui a alors appelé en garantie le transporteur aérien.

La responsabilité du commissionnaire de transport

À ce titre, la décision n’est en rien isolée puisqu’elle rappelle de manière classique l’exigence pour les juges du fond de caractériser la faute personnelle du commissionnaire en application de l’article L. 132-5 du Code de commerce qui prévoit que le commissionnaire « est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets ».

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que la transmission par le commissionnaire d’instructions à ses substitués concernant le maintien de la chaine de froid, notamment par une lettre de transport aérien, s’avère insuffisante. La faute du commissionnaire résidait dès lors dans le fait de n’avoir pris aucune mesure pour pallier la prise en charge tardive de la marchandise et de ne pas avoir organisé le maintien de la chaine de froid.

En filigrane, la solution rend plus difficile la caractérisation d’une absence de faute du transporteur aérien de marchandises dès lors que celui-ci doit prévoir les carences de ses substitués.
  La responsabilité du transporteur aérien

Air France considérait que les juges du fond avaient violé l’article 18 de la Convention de Montréal selon lequel « le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de la marchandise par cela seul que le fait qui a causé le dommage s’est produit pendant le transport aérien ».

Elle faisait grief à l’arrêt de lui reprocher de ne pas avoir pris l’initiative de mesures propres à assurer la conservation des marchandises au-delà de la période de transport. La Cour de cassation n’a pas suivi la compagnie aérienne dans son argumentaire.

Elle a considéré que si l’avarie ne s’est révélée qu’après la fin de la période de garde du transporteur, sa responsabilité pouvait être retenue dès lors que le fait générateur du dommage, à savoir l’élévation de température, s’était produit avant la livraison.

Sur la limitation des réparations

La condamnation du transporteur aérien a été limitée en raison de la limitation de réparation prévue par l’article 22 de Convention de Montréal (7 droits de tirage spéciaux par kilogramme, sauf déclaration spéciale d’intérêt à la livraison) ce qui n’est pas le cas de la responsabilité du commissionnaire en tant que garant des faits de son substitué ; la faute personnelle du commissionnaire l’empêchant d’opposer à la victime les plafonds d’indemnisation du substitué dont il aurait bénéficié s’il était seulement poursuivi en sa qualité de garant du transporteur.

L’application de la limitation de responsabilité telle que prévue par la Convention de Montréal provoqua l’ire de la société BIOMERIEUX et de ses assureurs qui reprochaient à la Cour d’appel de ne pas avoir exclu cette limitation sur le fondement de l’article 1150 du Code civil et de la jurisprudence afférente arguant d’une mise en échec de toutes les clauses limitatives de responsabilités qu’elles soient d’origine légale ou contractuelle en cas de dol.
Cependant, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré en application de l’article 22 de la Convention de Montréal que même en cas de dol ou de faute inexcusable du transporteur aérien de marchandises ne permettait pas de mettre à sa charge la réparation intégrale du préjudice.

Contact : stephanie.simon@squirepb.com