Concrètement il crée un nouveau titre (Titre VI « Prévention et réparation de certains dommages causés à l’environnement ») dans le Code de l’environnement, définissant les « conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur, les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant ».
Le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale prévoît la transposition de la Directive européenne sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux .
Ce projet de loi permet également de mettre en œuvre les articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement relatifs à la prévention des atteintes et à la réparation des dommages à l’environnement.
Les contours de la responsabilité : des dommages spécifiques causés par un exploitant
• La notion d’exploitant
Dans le droit fil de la directive, le projet de loi prévoît qu’il appartient à l’exploitant de l’activité professionnelle qui cause ou risque de causer un dommage imminent à l’environnement de prendre à ses frais les mesures de prévention ou de réparation nécessaire.
Il est prévu d’insérer un article L.161-7 dans le Code de l’environnement qui définira la notion d’exploitant.
Celui-ci s’entend de toute personne « […] qui exerce ou contrôle une activité professionnelle pratiquée dans le cadre d’une activité économique, d’une affaire ou d’une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif. »
Ainsi, conformément à l’intention du législateur communautaire, l’exploitant doit être la personne qui pourra utilement et effectivement prendre les mesures de réparations. Le contrôle qu’il exerce sur leur activité doit s’entendre de leur direction effective.
En particulier la notion de contrôle au sens de cet article ne saurait s’appliquer nécessairement à l’actionnaire, aux établissements de crédit, aux autorités chargées du contrôle administratif ou à des autorités de tutelle.
Si cependant une société mère contrôlait directement et effectivement l’activité de sa filiale à l’origine d’une pollution entrant dans le champ d’application de la loi, celle-ci pourrait donc vraisemblablement voir sa responsabilité engagée.
• La définition des dommages graves à l’environnement à prévenir ou réparer
La directive fixe une liste précise des dommages écologiques à prévenir ou réparer, en réservant son application aux modifications négatives mesurables affectant gravement :
– l’état des sols
– l’état des eaux
– les espèces et habitats protégés.
C’est le simple dommage causé à l’environnement lui-même qui fait naître l’obligation de réparation à la charge de l’exploitant, cette nouvelle responsabilité est déclenchée sans égard à l’existence d’une victime tierce ayant subi un dommage particulier.
Ne sont pas constitutifs de dommages graves à l’environnement les atteintes aux espèces et habitats protégés causées par l’exécution de projets ou travaux autorisés sur le fondement de l’article L 414-4 du Code de l’environnement ainsi que de telle atteintes découlant d’une activité autorisée ou approuvée dès lors que les prescriptions administratives ont été respectées.
De tels dommages incluent les détériorations mesurables, directes ou indirectes des services écologiques c’est à dire des fonctions assurées par les sols, les eaux ou les espèces et habitats protégés.
Ne sont pas visés :
– les dommages causés par une guerre ou par des phénomènes de force majeure
– les pollutions (par les hydrocarbures, dommages nucléaires, etc…) déjà régies par des accords internationaux
Un nouveau régime de responsabilité environnementale qui s’ajoute aux régimes existants
• Le double régime de responsabilité
Le nouveau régime ne remplace pas les régimes de responsabilités existant déjà mais vient se superposer à ces derniers, créant un nouveau niveau de responsabilité pour l’exploitant.
En particulier, ce nouveau régime est sans effet sur le droit de la victime d’un dommage personnel à en demander réparation en vertu des régimes de responsabilités existants (article 162-4).
Le double régime de responsabilité de l’exploitant institué par le projet de loi reprend celui de la Directive. Deux régimes cohabitent donc aux termes du projet de loi :
– Le premier régime est celui d’une responsabilité de l’exploitant sans faute, dès lors que le dommage est lié à l’exercice d’une activité « dangereuse » telle que listée dans l’Annexe III de la Directive.
– Le second régime est celui de la responsabilité en cas de faute ou de négligence de l’exploitant pour les autres activités, dans le seul cas où le dommage est subi par les espèces et habitats naturels protégés.
• Mesures de réparation ou de prévention
Les mesures doivent tendre à supprimer tout risque d’incidence grave sur la santé humaine ainsi que rétablir les milieux dans leur état antérieur au dommage.
L’exploitant a pour obligation de prendre sans délai et à ses frais toutes les mesures de prévention nécessaires lorsqu’une menace imminente se manifeste.
Lorsque survient un dommage, il doit en informer sans délai l’autorité administrative compétente et prendre toute mesure propre à mettre fin aux causes du dommage.
L’article L 162-27 précise que l’exploitant ne supporte pas les coûts de réparation lorsqu’il peut démontrer que le dommage résulte d’une activité qui n’est pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l’environnement au regard de l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la pollution (Exonération pour risque de développement).
Les dispositions du projet de loi ne s’appliqueront pas lorsque trente ans se seront écoulés après l’événement générateur du dommage écologique (Prescription trentenaire).
• Nouveau régime de police administrative spéciale
Le projet de loi met en place un nouveau régime de police spéciale dédié à la prévention et à la réparation des dommages graves à l’environnement.
L’autorité administrative compétente aura le pouvoir de contrôler l’effectivité du respect par les exploitants de leurs obligations de prévention et de réparation, de les mettre en demeure de se conformer à leurs obligations et le cas échéant, de les obliger à consigner une somme correspondant au montant des mesures qui auraient du être prises ou même de faire procéder d’office, aux frais de l’exploitant à l’exécution de ces mesures.
Ce nouveau régime de police est assorti de sanctions pénales. Par exemple, le fait de mettre les fonctionnaires et agents dans l’impossibilité de remplir leur fonction est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
• L’application non rétroactive du nouveau régime
Le projet de loi précise que ses dispositions n’ont pas de caractère rétroactif.
Les dispositions créant ce nouveau régime de responsabilité ne s’appliqueront pas :
– lorsque l’émission, l’évènement ou l’incident ayant causé le dommage sera survenu avant la date d’entrée en vigueur de la loi,
– ou dès lors que le dommage résultera d’une activité déterminée, exercée et menée à son terme avant ladite date d’entrée en vigueur de la loi.
Conclusion
L’institution d’un régime de responsabilité environnementale susceptible d’être mise en jeu sans que ne soit requise l’existence d’une victime distincte du dommage à l’environnement lui-même constitue une avancée incontestable du droit.
Néanmoins on peut regretter la limitation très stricte des dommages environnementaux pris en compte pour la mise en œuvre de ce nouveau régime qui réduit d’autant l’étendue de son impact.
En outre, il existe un désaccord important entre les organisations écologiques et les industriels sur le point de savoir si la notion d’exploitant doit nécessairement comprendre ou exclure les maisons mères des filiales exerçant directement l’activité polluante. Il ne fait aucun doute que cette question sera largement débattue à l’Assemblée nationale lors de l’adoption définitive de la loi.
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Ce projet de loi, application de la directive européenne sur la responsabilité environnementale, reprend le principe « pollueur-payeur » évoqué lors de la Déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement, principe sur lequel repose la Convention de Lugano du Conseil de l’Europe, sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, du 21 juin 1993 .
Cette convention internationale constitue un instrument juridique ambitieux qui met en place une responsabilité objective des exploitants causant des dommages à l’environnement du fait de leur activité dangereuse. Cette convention prévoit une responsabilité si large et un champ d’application si ouvert qu’elle n’a toujours pas été ratifiée par les États signataires malgré l’opinion favorable de la Commission européenne.
En effet, au sein de l’Union européenne, la Commission avait proposé en 2000 l’adhésion de la Communauté européenne en tant que telle à la Convention de Lugano. Cette solution n’a finalement pas été retenue et l’instrument européen proposé fut la directive sur la responsabilité environnementale ayant donné lieu au projet de loi commenté.
Les principes mis en place se situent nettement en deçà de la réglementation proposée par la Convention de Lugano, notamment quant aux possibilités d’exonération de l’exploitant, à la stricte limitation à un certain nombre prédéfini de dommages environnementaux ou encore à l’absence d’obligation pour l’exploitant de participer à un régime de sécurité financière.