Après de longs travaux préparatoires, le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) vient d’être publié (JOUE n° L 177, 4 juill. 2008, p. 6). Il remplace la Convention de Rome du 19 juin 1980 (qui permet une détermination objective de la loi applicable aux relations contractuelles, grâce à la technique de faisceau d’indices).

Ce nouveau règlement s’inscrit dans un processus d’harmonisation du droit privé matériel entrepris par l’ordre communautaire. Il viendra résoudre les conflits de lois que soulèveront les contrats conclus à compter du 17 décembre 2009.

Sans altérer les solutions acquises, et au-delà des changements de forme, il comporte des modifications ponctuelles visant à assurer une plus grande sécurité juridique dans les relations contractuelles, tout en favorisant la prévisibilité des solutions dans le domaine des conflits de lois, la libre circulation et la reconnaissance mutuelle des jugements, la prévention des distorsions de concurrence et la protection des parties faibles.

1. Des principes fondamentaux inchangés

Tout d’abord le champ d’application matériel du règlement est conservé : le règlement « s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale ». Il ne s’applique dès lors pas aux matières fiscales, douanières et administratives. Le règlement vient toutefois préciser certaines exclusions, telles que les obligations découlant de tractations menées avant la conclusion d’un contrat (en d’autres termes, les négociations précontractuelles).

Le principe fondamental de la liberté contractuelle, consacrant la liberté des parties quant au choix de la loi applicable, a évidemment été repris. Il en est de même du caractère universel du règlement (permettant d’appliquer une loi nationale de n’importe quel pays, même hors Union Européenne !).

En l’absence de choix de loi applicable par les parties le règlement reprend les quatre points suivants permettant une détermination objective de la loi:

– le contrat rentre-t-il dans l’une des catégories expressément visées dans le règlement (ex : contrat ayant pour objet un droit réel ou immobilier) ? Si oui, il convient d’appliquer les règles qui y sont applicables (ex. loi du pays dans lequel est situé l’immeuble) ;

– lorsque le contrat ne constitue pas l’un des contrats visés ci-dessus ou que les éléments du contrat relèvent de plusieurs de ces catégories, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir « la prestation caractéristique », a sa résidence habituelle ;

– les principes précédents n’ont toutefois pas une portée absolue puisque, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente « des liens manifestement plus étroits avec un autre pays » la loi de ce pays s’applique ;

– en tout état de cause, à défaut de pouvoir déterminer la loi selon les critères ci-dessus le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente « les liens les plus étroits ».

Enfin, le règlement consacre à nouveau l’importance des lois de police. Non seulement le règlement conserve-t-il cette notion fondamentale, mais également il en renforce la définition confirmant la tendance jurisprudentielle communautaire, à savoir, la consécration d’un ordre public communautaire.

2. Des apports à relever

Le premier apport est en effet relatif à la notion de « lois de police », jusqu’ici entendues comme des règles nationales impératives devant prévaloir sur toute autre loi que les parties souhaiteraient choisir car elles ont une portée d’ordre public ou encore comme des « dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord ».

Ainsi le règlement introduit-il une nouvelle définition : « Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts public, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement ».

Sur le fond, Rome I apporte deux précisions quant aux lois de police, l’une concernant les lois de police du for (les dispositions du règlement ne peuvent pas porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi), l’autre concernant les lois de police étrangères (il peut être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où ces lois de police rendent l’exécution du contrat illégale).

Jusqu’ici les lois de police étaient nationales. Le règlement vient instaurer la notion d’ordre public communautaire dans son article 3.4 : « dispositions du droit communautaire auxquelles il n’est pas permis de déroger par accord » et qui doivent donc prévaloir sur toute autre loi nationale.

Quant au champ d’application, sont dorénavant expressément précisés les contrats d’assurance couverts par le règlement, notamment les contrats d’assurance directe sur la vie. En matière d’assurance, on distingue désormais les contrats d’assurance couvrant des grands risques (tels que définis à l’article 5 de la directive 73/239/CEE du 24 juillet 1973), qui sont régis par la loi du pays où l’assureur a sa résidence habituelle et les autres contrats d’assurance, pouvant être régis soit par la loi de tout État membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat soit par la loi du pays dans lequel le preneur a sa résidence habituelle.

Sous réserve du cas de certains contrats de consommation qui sont exclus du régime ici envisagé, les contrats de consommation sont régis par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle ou bien dirige cette activité, par tout moyen vers ce pays ou vers plusieurs, dont ce pays. Les rédacteurs du règlement ont ainsi pris soin d’actualiser et d’élargir le régime protecteur des consommateurs. Les nouveaux mécanismes introduits visent bien évidement le cyber-commerce. Cet élément est à prendre en compte notamment lors de l’établissement des conditions générales de vente, qui ne peuvent donc déroger aux règles protectrices d’un consommateur qui sont en vigueur dans un autre pays.

Ces apports s’appliqueront à l’ensemble des États membres de l’UE, à l’exclusion du Danemark et du Royaume-Uni. Dans les relations entre ces deux États et les autres États membres, la convention de Rome continuera donc à s’appliquer, par exception. Si l’apport du nouveau règlement est pour l’instant relativement faible, il convient de relever la volonté législative de le faire évoluer dans le temps. Ainsi, le règlement prévoit-il une « clause de réexamen », demandant à la Commission de présenter au Parlement européen un rapport avant le 17 juin 2013, relatif à son application, et notamment aux contrats d’assurance et à la protection du consommateur.