« Il y a sur terre de telles immensités de misère, de détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme heureux n’y peut songer sans prendre honte de son bonheur. Et pourtant ne peut rien pour le bonheur d’autrui celui qui ne sait être heureux lui-même. Je sens en moi l’impérieuse obligation d’être heureux. Mais tout bonheur me paraît haïssable qui ne s’obtient qu’aux dépens d’autrui et par des possessions dont on le prive. Un pas de plus et nous abordons la tragique question sociale. Tous les arguments de ma raison ne me retiendront pas sur la pente du communisme. »

Commencer notre premier éditorial de printemps de cette nouvelle décade avec une citation des Nourritures terrestres est pour nous donner du cœur à l’ouvrage après un long hiver et une série de catastrophes et de mauvaises nouvelles. Que le soleil vous bénisse et vous fasse oublier, un peu, les tremblements de terre, les tsunamis, le chômage, la réforme de la retraite et les élections ratées.

Jean-François Morel, qui nous assiste dans la préparation de la Revue, propose cette citation lapidaire d’André Gide :

« Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant »

Nous la dédions au gouvernement en lui souhaitant d’en faire bon usage pendant les deux prochaines années du quinquennat de notre président hyperactif.

Politique

Qui a gagné les élections régionales ?

Réponse : les prévisionnistes qui ne se sont pas beaucoup trompés, pour une fois donc… Les abstentionnistes majoritaires, les sympathisants du FN, père et fille, les supporters de Cécile Duflot, qui nous a fait oublier Cohn-Bandit, les militants du FLNC, les amis de Frêche, Ségolène Royal relancée ou encore les Alsaciens sans les Mosellans en joint venture avec les Réunionnais et les Guyanais. Dimanche soir, les politiques de tous bords se sont bousculés sur les plateaux de télévision pour chanter leur victoire, alors que la plupart des gagnants ci-dessus étaient terriblement absents. Néanmoins, nous avons entendu Georges Frêche prononcer des amabilités à destination de la reine des 35 heures, les Le Pen dire du bien de tout le monde, avec billevesées, alors que Lacécile se positionnait comme présidentiable, ce qui fait déjà trois femmes, avec Laroyale et Lamartine.

Pour fêter les résultats rosés, la France s’enfonce dans la grève. C’est une manière de remercier les électeurs d’avoir bien accompli leur devoir civique alors que le gouvernement abandonne la taxe carbone en guise de cadeau au grand dam de Cécile et de Michel Rocard.

« Je ne peux marcher plus vite que mon parapluie » (inédit), pour remplacer « marcher plus vite que son ombre » ou « plus vite que la musique ». Après un hiver particulièrement pluvieux, la modernisation de cette expression pourrait nous attirer les foudres du soleil tant attendu.

Il ne vous aura pas échappé que Dominique Galouzeau a passé toute la journée du 3 mars au Salon de l’agriculture et s’est fait photographier caressant les vaches, alors que le président s’est contenté d’une petite demi-heure le jour de la fermeture, avant l’ouverture. Il a vu les animaux, mais pas les éleveurs. Dominique de… un nouveau chantre de la ruralité et rassembleur de tous les mécontents, déçus de l’UMP, mais aussi du parti de Hervé Morin, ministre de toutes les armées. Son slogan : « il faut aller plus loin », précisément mais il ne dit pas où se situe le « plus loin ». En attendant il a créé son mouvement, encore anonyme, « au service des français, destiné à les rassembler ». La gifle reçue par l’actuel habitant de l’Elysée le place en pole position au côté de Ségolène, Martine et Cécile, alors que François Fillon est en deuxième ligne.

Tourisme

L’eusses-tu cru ? Les habitants des îles Goyave, les Goys, sont de paisibles sauvages vivant de la pêche au thon rouge et de la cueillette des goyaves. Les premiers Goys n’ont été découverts par l’homme blanc qu’au début de ce 3ème millénaire. Distante de plus de 500 miles des îles Marquise, le jeune gouvernement Goyave est en discussion avec le Club Méditerranée pour l’installation d’un village de paillottes, style années 1960, pour baby-boomers à la recherche nostalgique du « bon sauvage ». Bernard Tapie est d’accord pour financer l’investissement si on lui réserve une case à l’année loin de la rue des Saints Pères. Il ne faudra pas oublier d’évangéliser les goys.

Prenons le temps de souffler et préparons les prochaines vacances aux îles Goyave. Il faudra vous y rendre à la nage en attendant qu’Easy Jet ou Ryan Air s’intéresse à cette nouvelle destination bobo. Pour l’instant, il n’y a pas d’aéroport, ni de piste, seulement un récif de corail, quelques kyte surfeurs.

Justice

► Le TGI de Moulin ne sera pas fermé, ainsi en a décidé le Conseil d’Etat contre l’avis de Rachida, qui a préféré lâcher ses convictions pour prêter serment en enjambant une passerelle instable.

► Jacques Viguier, professeur de droit public, acquitté en première instance du meurtre de son épouse, a été jugé en appel devant la cour d’assises d’Albi. Parmi les éléments à charge, figurent un sac à main, le jeu de clés de Susy et des taches de sang, le tout retrouvé dans la maison familiale, alors qu’avait disparu le matelas où dormait Mme Viguier, jeté dans une décharge publique pour finir brûlé. L’absence de corps, de preuve, d’indices, voire de mobile précis a rendu l’accusation fébrile, ce que le jury populaire a reconnu en acquittant une deuxième fois le publiciste. Le pire n’étant pas certain, le matelas et le sac à main n’ont pas parlé.

► Attention aux promotions, un cadre de chez Renault qui a bénéficié d’un avancement et d’une augmentation s’est plaint que ces nouvelles fonctions lui avaient causé un stress insurmontable et se suicide à son domicile en laissant bien en évidence le message suivant : « je ne peux plus rien assumer, ce boulot, c’est trop pour moi, ils vont me licencier et je suis fini ». Le TASS de Versailles a estimé que le suicide était imputable à ses conditions de travail. Le « verdict » était pourtant loin d’être acquis, car le suicide a été commis dans un lieu privé. Néanmoins, le TASS reproche à Renault de ne pas avoir pris la mesure des difficultés rencontrées par ce salarié après sa promotion, qui se plaignait que ses horaires dépassaient largement les 35 heures. Affaire à mettre au crédit de la fille à Monsieur Delors.

► Stéphane Richard, nouveau DG de France Telecom, l’homme à qui tout réussi, HEC/ENA, ami de Sarko, 5 enfants, belle femme, sportif. Saura-t-il gérer le stress de ses collaborateurs ?

► Le juge d’instruction : une espèce menacée, résiste mieux que le thon rouge.

► Le Sieur Devedjian a porté plainte pour diffamation contre l’homme Peillon pour avoir lu le Canard. On croit rêver ! Le Canard avait en effet exhumé un article paru dans le Petit Varois enchaîné du 11 novembre 1965 qui relatait l’arrestation des sieurs Deveidjian et Madelin pour une série de « bêtises » commises en août 65 du côté de Saint-Tropez. Ces deux là étaient précoces en politique et de tristes sires selon le chroniqueur judiciaire de Draguignan où ils passaient en correctionnelle.

Economie

► Connaissez-vous Robert Schiller, le grand spécialiste des bulles (1946), professeur à l’Université de Yale, auteur du best-seller Irrational Exuberance et chantre de la théorie de la rétroaction (feedback theory), qui mène à la création des bulles spéculatives ?

► AF / KLM annonce des pertes historiques et les pilotes se mettent en grève pour soutenir l’entreprise. Bravo pour cet esprit civique. Ryan Air devrait transporter en 2010 autant de passagers qu’Air France et KLM réunis. C’est un peu comme les journaux gratuits dont le tirage dépasse, tout au moins en France, celui des quotidiens payants. L’idée est sans faille aucune. Si AF fait des pertes, c’est que son exploitation n’est pas rentable, donc en clouant les avions au sol on réduit les coûts variables.

► Saviez-vous que les dépenses publiques et transferts représentent 52,7 % du PIB français ?.

C’est une spoliation, le plus gros hold-up de tous les temps organisé par nos gouvernants successifs de la Vème République..

Les spoliés s’organisent => travail au noir, évasion fiscale, chômage chronique, refus du travail, précarité, afflux extérieur altéré non pas par les perspectives d’embauche, comme par exemple au Canada, mais l’attrait de la solidarité, des allocations et conventions sociales.

D’aucun reproche aux seniors qu’on oblige à travailler de plus en plus tard au détriment des jeunes, d’être les bénéficiaires de cette spoliation. C’est insupportable ?

Quelles solutions ?

– Diminution des prestations, peut-être ;

– Allongement de l’âge de la retraite et emploi des seniors, sûrement.

– Augmentation des cotisations, probablement.

– Création de richesses + inflation, certainement.

– Création d’emplois et réduction du chômage par la formation, l’apprentissage, le retour d’exil, les nouvelles technologies, ce n’est pas si facile en France.

– Diminuer la durée du travail, au secours Lamartine.

– Maintenir l’âge de la retraite à 60 ans, même si le nombre d’années travaillées est moindre corrélativement avec l’allongement des études (une revendication des syndicats), absurde !

– Maintenir un niveau élevé des prélèvements, c’est déjà le cas, la France étant le dernier de la classe en UE.

– Echelle mobile d’allongement de la durée du travail, pourquoi pas, à étudier.

– Faire plus d’enfants, c’est la bonne solution, ils paieront à notre place.

– Inciter les jeunes diplômés étrangers à venir travailler ou faire de la recherche en France en épousant des Français(es).

Illustration : le Professeur Etienne-Emile Baulieu, 83 ans, travaille à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre et en son laboratoire au Scripps Research Institute (Cal.). Les artistes, politiciens, professions libérales, agriculteurs ne prennent jamais leur retraite et personne ne les oblige à la prendre.

Si tous les Français étaient avocats ou prêtres, il n’y aurait pas de chômeurs.

► Estrosi se bat contre la désindustrialisation, vu le bétonnage de la Côte d’Azur, il ne peut que réussir, alors que Madame Lagarde, notre consœur, en disponibilité du barreau, reproche à Angela Merkel le niveau scandaleusement élevé de ses exportations. Selon la locatrice de Bercy, les Allemands ne jouent pas le jeu, ils sont égoïstes et ne font rien pour stimuler leur consommation, mais se contentent, comme les horribles Chinois, d’exporter leurs produits, sauf que pour les Germains, ce n’est pas de la bimbeloterie, mais de belles machines-outils et autres produits technologiques, que les PME souabes continuent à fabriquer depuis la guerre.

Chronique politique du Brésil

Que penser des années Lula qui achève cette année son deuxième mandat présidentiel : apréciation du real vis-à-vis du dollar. (380R en 2002, 178 R = 1$ aujourd’hui). Quel a été l’apport de Enrique Merelles, président de la Banco Central do Brazil, ex-président de First Boston à New-York ?

En raison du faible niveau d’épargne, le déficit de la balance courante devrait continuer à se creuser. Toutefois, on observe une baisse de l’inflation qui passe de 6 à 4 %. Avec une augmentation du PIB de 2,2 % fin 2009 par rapport au 3ème trimestre, l’économie du pays semble repartir, ce qui est de bon augure pour l’élection de la protégée de l’actuel président, Dilma Rousseff. En 2010 le PIB devrait repasser la barre des 5%. D’autant plus qu’avec l’implantation de nouvelles usines automobiles, l’investissement a déjà connu une progression de 3,6 % au dernier trimestre 2009.

Les années Lula représentent la période de stabilité la plus longue que le Brésil ait connu avec une visibilité économique accrue qui ne se mesure plus en mois, mais en années. Augmentation du tissu industriel, forte création d’entreprises familiales, 70 % de la population urbanisée. Lula a fait passer de nombreux pauvres dans la classe moyenne. Puissance de l’industrie automobile, mais aussi de Petrobras, qui représente 10 % du PNB, ce n’est pas encore la Sonatrach) dans un environnement de réglementation sociale à la française (négociation de branches, réduction du temps de travail…).

Lula est un syndicaliste charismatique avec un certain cousinage avec Lech Walesa, mais qui a réussi.

La politique sociale a pour inconvénient de renchérir les coûts de production des produits manufacturés. Si Lula, un populiste démocrate, se représentait, ce que la constitution ne permet pas (limitation à 2 mandats), il serait réélu à plus de 70%.

La grande force de Lula, qui ressemble sur ce point à Chirac, est d’être conscient qu’il ne sait rien.

Nos meilleurs vœux pour un printemps ensoleillé et sec qui chasse les frimas et la morosité.