Les commissions rogatoires sont plus connues de la procédure pénale et il est assez surprenant d’en parler en matière civile et commerciale. Pourtant le NCPC les prévoit expressément aux articles 733 à 748, mais il ne fait que transposer les dispositions de la convention de La Haye du 18 mars 1970.
C’est notamment dans le cadre d’une commission rogatoire internationale adressée par la justice américaine à la justice française que des convocations de témoins peuvent être adressées à des résidents français, en vue de la production de documents privés, voire confidentiels.
Il convient de s’interroger sur la compatibilité de cette demande avec les dispositions de la loi du 26 juillet 1968 modifiée par la loi du 16 juillet 1980, qui interdit sous la menace de sanctions pénales de « demander, rechercher ou communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci. ». Il apparaît que la jurisprudence française fait une application restreinte de cette loi. Ainsi lorsque la demande est faite en vertu de la convention de La Haye, elle est à l’abri de toutes sanctions pénales.
Il n’en demeure pas moins que cette procédure, ayant pour objet la production de documents parfois confidentiels, peut paraître choquante pour des « témoins » étrangers, dont elle dessert les intérêts. En effet la demande met en cause des tiers qui se trouvent alors impliqués dans un procès civil américain de la même manière qu’ils auraient pu l’être dans le cadre d’une procédure pénale. A la différence que dans le premier cas on cherche à satisfaire des intérêts privés, alors que dans le deuxième on veut satisfaire l’intérêt général.
Face à une telle requête de la part d’un juge américain la convention de La Haye prévoit la possibilité pour les témoins d’invoquer une dispense ou une interdiction de déposer en vertu de la loi française ou de la loi de l’Etat requerrant. Cela s’explique du simple fait que nous sommes en matière civile et que seuls des intérêts privés sont mis en cause.
Pour le cas des demandes faites dans le cadre de procédures de « pre-trial dicovery of documents » la France a, le 19 janvier 1987, émis une réserve. Elle accepte ce type de demande si les documents demandés sont limitativement énumérés dans la commission rogatoire et ont un lien direct et précis avec l’objet du litige.
La jurisprudence a interprété cette réserve. Ainsi la Cour d’appel de Paris par un arrêt du 18 septembre 2003 a jugé que l’énumération des documents était limitative dés lors que ces derniers étaient «identifiées avec un degré raisonnable de spécificité en fonction d’un certain nombre de critère tels que leur date, leur nature, leur auteur ».
La procédure de « pre -trial discovery of documents » dans le cadre des procès civils américain, inconnue du droit français, est l’occasion parfois pour les tribunaux de pays de common law de délivrer des commissions rogatoires à l’attention des autorités françaises.
On peut ainsi expliquer pourquoi les demandes en provenance de la France sont moins nombreuses que celles en provenance des Etats-Unis.
Est-ce une procédure instituée à la faveur exclusive des américains pour rendre plus acceptable leur grand zèle à rechercher des preuves en territoire étranger ?
Par une décision du 15 juin 1987 (Aérospatiale c. United States District Court for the Southern District of Iowa), la Cour suprême des Etats-Unis a même jugé que la Convention de La Haye ne définissait pas de manière exclusive ou impérative les procédures à suivre pour obtenir des documents et des renseignements sur le territoire d’un Etat contractant étranger et que par conséquent les federal rules américaines restaient applicables en territoire étranger.
Oui, mais en France, la pratique tomberait sous le coup de la loi du 26 juillet 1968 modifiée par la loi du 16 juillet 1980. Le détour par une commission rogatoire est donc obligatoire.
Concrètement, les « témoins », représentants de personnes morales ou personnes physiques, n’auront pas le droit de délivrer des informations à des détectives privés américains pratiquant la pêche à la ligne (« fishing expedition »). En revanche, ils devront se présenter aux éventuelles convocations du juge français. Mais alors comment se passe les choses une fois devant ce juge du TGI chargé d’exécuter ces actes d’instructions ?
Les témoins, identifiés par une des parties au procès américain, que le juge américain aura désignés dans sa requête et qui sont supposés détenir des documents intéressant la défense de ces parties, sont convoqués par un juge du TGI (chargé d’exécuter la commission rogatoire) qui leur demande de se munir des documents qui serviront le cas échéant de preuves.
Devant le juge français, sont présents les avocats des parties, certains posent des questions mais le juge lui est ailleurs. Il ne fait qu’enregistrer les déclarations.
Ayant assisté à l’audition de témoins invités à produire des documents au juge français, on a pu se rassurer et se réjouir de la position du dit juge chargé d’exécuter les actes d’instructions. Il ne dit pas grand chose, ne demande rien et ne répond même pas aux questions. Non seulement il ne fait aucun usage de la contrainte, mais encore adopte-t-il une attitude détachée vis à vis de l’affaire.
Il a simplement agit comme boite aux lettres avant de dresser son procès-verbal sur le siège qu’il enverra aux autorités américaines.