Dans nos colonnes, il y a quelques semaines, le droit européen était qualifié de « plat qui se mange (très) froid » . Si l’on ne peut que consentir à ce constat, vu la chronologie pertinemment rappelée précédemment, il convient toutefois de noter que le plat pourrait bien être réchauffé à l’automne par la Commission européenne.
La Commission ne s’est en effet pas arrêtée à la publication d’un Livre vert, en juillet 2010, objet d’une consultation publique, ayant pour objectif la définition de l’instrumentum d’un droit européen des contrats. Après avoir cherché, grâce à ce Livre vert, à savoir sous quelle forme créer un droit européen des contrats, la Commission a voulu déterminer quel pourrait en être le fond, grâce à une étude de faisabilité confiée à un groupe d’experts et publiée le 3 mai 2011, suivie d’une consultation publique qui s’est terminée le 1er juillet.
La première étape mérite d’être succinctement rappelée. Des sept options proposées dans le Livre vert, la voie de la superposition d’un 28ème régime aux 27 régimes nationaux semble rencontrer un grand succès, mais cela uniquement pour les relations entre entreprises (B2B) par opposition aux relations entreprises – consommateurs (B2C). A l’égard de ces dernières, l’Union Européenne penche plus vers la voie du règlement ou de la directive spécifiquement centrée sur les droits des consommateurs.
L’étude de faisabilité, qui se veut concise et précise, se divise en six parties et 189 articles s’intéressant aux différents aspects du droit des contrats. Elle se concentre principalement sur les contrats de vente transnationaux, laissant de côté un certain nombre de contrats.
La première partie de l’étude (articles 1 à 12) réunit une série de définitions et de principes généraux applicables au droit des contrats. Elle érige les principes de liberté contractuelle, de bonne foi et d’absence de formalisme en principes généraux du droit européen des contrats.
La deuxième partie (articles 13 à 55) décrit la formation des contrats, des négociations et informations précontractuelles aux défauts du consentement. Concernant l’obligation d’information, l’étude envisage comme sanction l’application du contrat tel qu’il a été compris par l’autre partie et non l’octroi de dommages-intérêts voire l’annulation du contrat comme il est prévu en droit français à l’heure actuelle.
Dans le domaine spécifique des contrats électroniques, l’article 26 liste un certain nombre d’informations que le professionnel doit faire apparaître sous peine de permettre la rétractation de l’autre partie.
Parmi les vices du consentement, on retrouve classiquement l’erreur, le dol et la violence. Cependant, l’étude de faisabilité ne s’en contente pas et consacre au vice de « violence économique » un article au sein des vices du consentement. Sa sanction serait l’annulation ou l’adaptation du contrat par le juge. Dans tous les cas de vice du consentement, la résiliation unilatérale serait permise (article 50).
La troisième partie (articles 56 à 88) traite du contenu du contrat, de son interprétation ainsi que des contrats abusifs.
Contrairement au droit français, il est prévu la possibilité pour le juge de fixer discrétionnairement un prix raisonnable s’il est impossible de se référer à un prix normalement pratiqué dans de telles circonstances.
L’étude de faisabilité dresse une liste de clauses interdites et de clauses présumées abusives dans les relations B2C. Une clause apparaissant dans une relation B2B sera abusive lorsque, émanant de l’une des parties, elle n’a pas donné lieu à une négociation individuelle, désavantage de manière significative une partie et diverge des bonnes pratiques commerciales et de l’exigence de bonne foi.
Les obligations des parties et les recours en cas de non-exécution sont développés dans la partie IV pour le domaine des contrats de vente (articles 89 à 149) et dans la partie V pour le domaine des contrats de fourniture de services (articles 150 à 162). La révision du contrat pour imprévision est permise en cas de changement exceptionnel des circonstances et pourra aboutir à une adaptation ou une résiliation du contrat, que ce soit après accord des parties ou par le juge saisi par l’une d’entre elles.
Les trois dernières parties (articles 163 à 189) concernent les conséquences de la non-exécution des obligations des parties (dommages-intérêts, restitution et prescription).
L’étude de faisabilité du groupe d’experts est ambitieuse et pourrait aboutir, comme l’annonce la Commission, à la publication à l’automne d’un projet de droit européen des contrats. Cependant, on peut lui reprocher d’avoir trop voulu se hâter. A aller trop vite, le projet risque de connaître la même fin que les précédentes tentatives. Le très court délai entre la publication de l’étude et la fin de la consultation publique (deux mois seulement) a limité considérablement l’intérêt d’une telle consultation et empêché le recul et la réflexion nécessaires à un tel projet. Or, à défaut de l’avis et de l’accord des professionnels sur le projet, il y a fort à craindre (voire peut être à espérer pour certains) que celui-ci ne reste lettre morte.
Lien vers l’étude de faisabilité : http://ec.europa.eu/justice/contract/files/feasibility-study_en.pdf