Dans un arrêt du 20 février 1987 la Cour de cassation avait réformé un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Revue de l’arbitrage 2007 (4) p.775), qui avait déclaré inapplicable une clause d’arbitrage désignant deux forums différents (l’Association Française de l’Arbitrage et la CCI de Paris), en considérant que la Cour d’appel avait statué « par des motifs impropres à caractériser une inapplicabilité manifeste de la clause dès lors qu’elle ne constatait pas une absence de volonté des parties de recourir à l’arbitrage et que le juge d’appui, seul compétent, n’avait pas été saisi ».
La décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence était critiquable en ce que le juge étatique avait du interpréter la clause pour en écarter l’application alors qu’elle était uniquement compétente pour constater l’inapplicabilité manifeste de la clause.
La Cour de cassation ne s’est pas contentée de retenir ce motif. Elle a réformé la décision en considérant que dans la mesure où les parties avaient manifesté l’intention de soumettre leurs litiges liés au contrat à un arbitrage la clause devait s’appliquer et les juridictions étatiques se déclarer incompétentes. La contradiction, ne portant que sur le forum d’arbitrage, constitue donc une difficulté de constitution du tribunal, qui ne peut être soumise qu’au « juge d’appui », le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Cette décision de la Cour de cassation a été confirmée par l’arrêt de la Cour d’appel de renvoi en date du 28 novembre 2007 (non publié) qui souligne la volonté incontestée des parties à recourir à l’arbitrage. La Cour formule très justement que « l’ambiguïté dénoncée du contenu de la clause insérée dans le contrat du 18 mai 2000 reste en elle-même et à elle seule, inopérante pour effacer la volonté effective exprimée sans équivoque par les parties de recourir à l’arbitrage ».
La Cour poursuit : « cette ambiguïté n’emporte pas nullité manifeste de la convention d’arbitrage elle-même et pas d’avantage inapplicabilité de celle-ci au sens des dispositions de l’article 1458 du Code de Procédure Civile dès lors que devant une telle expression, expression affectant la mise en œuvre de la convention mais ne remettant pas en cause l’existence du désir commun d’un arbitrage, c’est à l’arbitre qu’il appartient, par application des dispositions de l’article 1466 du Code civil de se prononcer sur la validité, l’étendue de son investiture et entre quelles parties (…) ».
Ainsi les tribunaux étatiques font primer la volonté d’arbitrer sur le caractère pathologique de la clause. A partir du moment où une clause compromissoire n’est pas nulle, prima facie, elle a pour effet de rendre le juge étatique incompétent.
Un arrêt de la Cour de cassation de la même époque (14 novembre 2007 – Revue de l’arbitrage 2008 (3) p. 453) confirme la primauté de la volonté d’arbitrer des parties : La Cour de cassation réforme un arrêt de la Cour d’appel en ce qu’elle avait retenu qu’il existait dans les statuts une contradiction entre une clause attributive de juridiction et une clause compromissoire s’opposant à la désignation d’un arbitre. La Cour de cassation a confirmé une jurisprudence plus ancienne (Cass. Civ. 2, 18 décembre 2003, JCP 2004 II 10075) selon laquelle le doute profite à l’arbitre.
« Le juge d’appui ne peut refuser de désigner un arbitre que si la clause est manifestement nulle ou insuffisante pour permettre la constitution du Tribunal arbitral ».
Ainsi, tant qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur la volonté d’arbitrer, et en l’absence de nullité manifeste, l’arbitrage s’impose, en dépit de l’ambiguïté du contenu de la clause d’arbitrage ou sa contradiction avec d’autres dispositions du contrat.