Cass. 3ème civ., 10 mars 2016, n°14-15.326, FS-P+B
Par cet arrêt, la troisième chambre civile de la Cour de cassation aligne sa position sur celle de la chambre commerciale : le gérant d’une SARL qui ne souscrit pas une assurance obligatoire commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales de dirigeant. Cette faute engage ainsi de plein droit la responsabilité civile personnelle du dirigeant à l’égard des tiers à qui elle a porté préjudice.
Dans son arrêt Seusse du 20 mai 2003 (Com. 20 mai 2003, n°99-17.092), la chambre commerciale définissait la notion de « faute détachable » comme étant une « faute intentionnelle, d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ».
Cette solution laissait toutefois persister une difficulté : celle de savoir si une faute constitutive d’une infraction pénale constituait de plein droit une « faute détachable ».
La troisième chambre civile avait d’abord jugé dans un arrêt du 4 janvier 2006 (Civ. 3ème, 4 janvier 2006, n° 04-14.731) que l’abstention fautive de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilité ne constituait pas, en tant que telle, une faute séparable des fonctions de dirigeant.
La chambre commerciale avait pour sa part retenu une position fermement opposée, puisque dans son arrêt du 28 septembre 2010 (Com. 28 septembre 2010, n°09-66.255), elle se fondait sur la nature intentionnelle de l’infraction pour conclure au caractère séparable de la faute, établissant ainsi que le défaut de souscription à une assurance obligatoire, constitutif d’un délit, équivalait à une faute intentionnelle séparable des fonctions de gérant, engageant de plein droit la responsabilité personnelle de ce dernier.
La formation immobilière de la Haute Cour avait par la suite nuancé sa position et laissait progressivement entrevoir un rapprochement avec la jurisprudence de la chambre commerciale (Civ. 3ème, 11 janvier 2012 n° 10-20.633; confirmé ensuite par l’arrêt Civ. 3ème, 30 janvier 2013, n°11-27.792).
C’est finalement dans le récent arrêt du 10 mars 2016 (Civ. 3ème, 10 mars 2016, n° 14-15.326), que les magistrats de la troisième chambre civile harmonisent leurs décisions avec celles rendues par la chambre commerciale.
En l’espèce, le dirigeant d’une SARL qui avait délibérément manqué de souscrire une assurance obligatoire de responsabilité décennale, avait vu sa responsabilité personnelle engagée. Contestant la décision rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 4 juillet 2013, il s’était pourvu en cassation, arguant du fait que le défaut de souscription d’une assurance obligatoire caractérisait non pas une infraction pénale intentionnelle mais une abstention fautive imputable au dirigeant de la personne morale et non détachable de ses fonctions.
La troisième chambre civile valide le raisonnement de la Cour d’Appel et confirme que la faute commise par le gérant d’une SARL en ne souscrivant pas une assurance obligatoire est une faute intentionnelle constitutive d’une infraction pénale, laquelle est dès lors, en tant que telle, séparable de ses fonctions de dirigeant et engage par conséquent la responsabilité civile personnelle du gérant au sens de l’article 1382 du code civil.
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