Inspiré du rapport Guinchard sur la répartition des contentieux et des conclusions du groupe de travail sur les juridictions de sécurité sociale, le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 (ci-après le « Décret ») relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale vient d’être publié au Journal officiel du 3 octobre.
Qu’apporte le Décret au regard des modifications apportées aux conciliateurs de justice ?
• Le Décret modifie notamment le titre VI « La Conciliation » du Code de procédure civile pour donner au juge la possibilité de déléguer à un conciliateur de justice sa mission de conciliation prévue à l’article 127 du Code de procédure civile.
Désormais, il appartiendra au juge de désigner le conciliateur de justice, de fixer la durée de la mission (maximum deux mois renouvelable) et la date à laquelle l’affaire sera rappelée.
Il semble cependant que les pouvoirs du conciliateur soient limités à la bonne volonté des parties puisque le décret prévoit que le conciliateur ne peut, sauf accord des parties :
– se rendre sur les lieux
– entendre toute personne dont l’audition lui parait utile.
En outre, toute partie peut à tout moment demander au juge de mettre fin à la conciliation.
Cependant, bien que le législateur semble prévoir la confidentialité des constatations et des déclarations recueillies par le conciliateur, celui-ci a néanmoins la possibilité de saisir le juge de toutes difficultés qu’il rencontre dans le cadre de sa mission.
Reste donc à définir ce qu’il faut entendre par « difficultés » et si par ce biais le juge ne risque pas d’être informé d’un certain nombre d’informations confidentielles échangées pendant la procédure de conciliation.
Par ailleurs, s’il est normal que la conciliation puisse prendre fin à la demande de l’une des parties et/ou à la demande du conciliateur il est étonnant que le juge puisse également y mettre fin d’office « lorsque le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis ».
N’étant pas présent à priori lors de la conciliation, on voit mal comment il pourrait juger de lui-même et d’office que le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis. Le conciliateur n’est-il pas le mieux à même d’en juger ?
Le Décret prévoit également qu’en cas de conciliation qui peut être totale ou partielle, la teneur de l’accord est consignée dans un procès verbal signé :
– par les parties et le juge, en précisant que « des extraits du procès verbal dressé par le juge peuvent être délivrés. Ils valent titre exécutoire »
– par les parties et le conciliateur de justice, en précisant que « les parties peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par la conciliateur de justice ».
Le décret prévoit enfin la nomination par le premier président de la cour d’appel d’un conseiller chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs, de coordonner leur action et d’établir un rapport annuel sur leur activité.
• Le Décret modifie également le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.
Pour rappel, le décret du 20 mars 1978 donne aux conciliateurs de justice la mission de « faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire, le règlement amiable des différends portant sur des droits, dont les intéressés ont la libre disposition »
Le Décret prévoit qu’en cas d’accord signé par des parties hors de la présence du conciliateur de justice, « il incombe au conciliateur de viser l’acte émanant des intéressés dans le constat et de l’annexer à celui-ci » sachant qu’un exemplaire du constat est déposé au greffe du tribunal d’instance compétent.
La consignation dans un procès verbal semble donc encore une fois être obligatoire, ce qui dans le domaine des affaires, ne va pas inciter les parties à concilier pendant la conciliation puisque leur accord ne sera pas confidentiel.
On peut même s’interroger dès lors sur l’intérêt des parties dans certains cas d’accepter et / ou de maintenir la procédure de conciliation. En effet, dès lors qu’elles ont « concilié »/ transigé hors du conciliateur, il y a de forte chance qu’elles souhaitent garder les termes de leur accord confidentiel.
Afin d’inciter les parties à concilier, le Décret modifie néanmoins l’article 5 du décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice en supprimant l’alinéa 3 qui disposait « La saisine du conciliateur de justice n’interrompt ni ne suspend la prescription, les délais de déchéance et de recours ».
• Ce décret entre en vigueur le 1er décembre 2010 et s’appliquera aux procédures en cours sous deux réserves :
– les dispositions des articles 830 à 836 du CPC, relatives à la tentative préalable de conciliation, telles que modifiées par le présent décret, ne sont applicables qu’aux instances introduites après la date de son entrée en vigueur ;
– les dispositions de l’article 15, 1°, ne sont applicables qu’aux instances en rectification qui n’ont pas encore donné lieu à la convocation des parties à l’audience.
Bien que la volonté du législateur soit louable, il est à craindre que la procédure de conciliation telle que prévue par le Décret ne soit en pratique pas très efficace.
Il conviendrait par ailleurs que le législateur définisse plus précisément le rôle du conciliateur et du médiateur et leur domaine respectif d’activité. On ne peut en effet que s’interroger aujourd’hui sur la distinction entre ces deux activités.