Le Conseil d’Etat a suspendu le 24 janvier 2022 la partie de l’arrêté du 30 décembre 2021 qui prévoyait l’interdiction de commercialiser à l’état brut les fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis même si leur teneur en THC est inférieure à 0,3 %.

Il s’agit des suites du fameux arrêt « Kanavape » dont nous avons déjà parlé dans cette Revue, par lequel la CJUE avait demandé à la France de revoir sa copie concernant sa règlementation sur le CBD, plus spécifiquement son arrêté du 22 août 1990 (CJUE, 19 novembre 2020, C-663/18). Depuis, le débat a pris une dimension politique, la France a dû présenter un nouveau projet d’arrêté à la Commission Européenne, des questions prioritaires de constitutionnalité ont été soulevées et les tribunaux judiciaires français ont appliqué l’arrêt de la CJUE directement, malgré le flou juridique engendré par cette situation.

Le 31 décembre 2021, le nouvel arrêté tant attendu a enfin été publié. Il n’a toutefois pas été bien reçu par les entreprises du secteur car il prévoyait une interdiction de commercialisation des fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis aux consommateurs, même si la teneur en THC de ces fleurs et feuilles est inférieure au seuil de 0,3% (en-dessous duquel elles sont en principe dépourvues de propriétés stupéfiantes).

Des associations et groupes du secteur ont donc saisi le Conseil d’Etat, dans le cadre d’un référé liberté, pour demander la suspension à titre provisoire de cette interdiction. Cette suspension a été accordée par le Conseil d’Etat. En attendant que le Conseil d’Etat se prononce définitivement au fond sur la légalité de l’arrêté, l’interdiction est suspendue et les buralistes et boutiques de CBD peuvent continuer à vendre des fleurs et feuilles de cannabis.

Le gouvernement justifiait cette interdiction pour des raisons de santé publique – risques pour la santé du consommateur – et sécurité publique – difficulté pour les autorités de faire la différence entre les fleurs « stupéfiantes » et les fleurs « non stupéfiantes ». Sur ces points, le Conseil d’Etat a relevé que :

  • « il ne résulte pas de l’instruction, à la date de la présente ordonnance, que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,30 % revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation, cette teneur étant d’ailleurs celle retenue par l’arrêté contesté lui-même, au I de son article 1er, pour caractériser les plantes autorisées à la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale » et
  • qu’« il n’en résulte pas davantage qu’il ne serait pas possible de mobiliser les moyens permettant de contrôler cette teneur, alors que des moyens de contrôle sont détaillés, pour l’ensemble de la plante, à l’annexe de l’arrêté, afin de distinguer les feuilles et fleurs de chanvre qui, en raison de leur très faible teneur en THC, pourraient être regardées comme dépourvues de propriétés stupéfiantes, au sens du II de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique. »

Le Conseil d’Etat en conclut que « la mesure d’interdiction générale et absolue prise présente un caractère disproportionné […] de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ».

Une version en anglais de cet article est parue sur notre blog Triage Health Law