Ce "programme" prévu par Le Code de commerce a pour objet d’accorder une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues par les entreprises ou organismes participant à une entente verticale (entre fabricants et distributeur par exemple) ou horizontale (entre concurrents) et ayant pour objet de fixer les prix, les quotas de production ou de vente ou encore à organiser une répartition du marché, que ce soit au niveau local, national ou communautaire. Pour mémoire, les sanctions encourues s’élèvent depuis 2002 à 10% du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours de la période où les pratiques ont été mises en œuvre.
Conçu comme de véritables lignes directrices, ce communiqué de procédure est résolument inspiré de la pratique de la Commission, ce dont le Conseil ne se cache pas, ce qui a le mérite de garantir aux entreprises une relative uniformité d’application des procédures de clémence, et donc une certaine sécurité juridique.
Comme le Président Lasserre s’y était publiquement engagé, le Conseil confirme qu’il accordera une exonération totale des sanctions pécuniaires encourues à toute entreprise qui, la première, formulera une demande de clémence, et qui satisfera aux conditions suivantes : (1) s’engager à coopérer pleinement avec la DGCCRF dans le cadre de l’enquête, (2) ne pas avoir contraint d’autres entreprises à participer aux infractions, (3) ne pas avoir informé d’autres entreprises de sa démarche de clémence et (4) s’engager à cesser sa participation aux pratiques illégales sans délai, ou au plus tard à compter de la notification de l’avis de clémence. Sur ce dernier point, le Conseil semble faire preuve de plus de pragmatisme que la Commission en acceptant que l’entreprise candidate à la clémence poursuive sa participation aux pratiques "pour maintenir la confidentialité de la démarche et préserver l’efficacité (…) de l’enquête". On notera que les entreprises qui auraient activement participé à la mise en œuvre des pratiques par la contrainte sont a priori exclues du bénéfice de la procédure de clémence.
Mais pour que l’entreprise repentie obtienne une exonération totale, encore faut-il que le Conseil de la concurrence ou la DGCCRF ne disposent pas avant la demande de clémence d’informations sur les pratiques révélées, ou bien que les informations dont ils auraient pu disposer ne soient pas suffisantes pour poursuivre les entreprises impliquées.
Le programme français de clémence se veut très incitatif pour les entreprises. Ainsi, si l’immunité totale de sanction ne peut uniquement être accordée à la première entreprise dénonçant l’entente, le Conseil peut accorder des exonérations partielles de sanction à toute autre entreprise qui fournit au Conseil des éléments de preuve supplémentaire et qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments dont l’administration dispose déjà. Même si "en principe", la réduction d’amende (calculée en fonction du rang et de la date à laquelle la demande de clémence est présentée) ne saurait excéder 50% du montant de la sanction qui aurait été imposée à cette entreprise si elle n’avait pas bénéficié de la clémence, le Conseil semble toutefois se laisser la possibilité d’accorder une exonération plus importante.
Depuis 2002, le Conseil a reçu un peu moins de 20 demandes, émanant pour l’essentiel de filiales de société américaines. Un certain nombre de questions subsistent chez les candidats à la clémence, en particulier face à la demande de plus en plus pressante des associations de consommateurs de pouvoir intenter des actions groupées en dommages et intérêts.
Or les entreprises craignent, légitimement d’ailleurs, que leur coopération avec les autorités de concurrence dans le cadre des programmes de clémence soit par la suite utilisée par des victimes (consommateurs ou autres concurrents) dans le cadre de recours en dommages et intérêts. Le Conseil prend d’ailleurs le soin de préciser dans son communiqué que l’exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires accordée à une entreprise ne la protège pas des conséquences civiles qui peuvent résulter de sa participation à une entente. Toutefois, le Conseil a voulu donner un signe fort aux entreprises en s’engageant à conserver le mieux possible la confidentialité de sa démarche (sous réserve de ses obligations, notamment dans le cadre du réseau européen de concurrence) et à ne pas transmettre le dossier au parquet comme Le Code de commerce l’autorise à le faire lorsqu’il apparaît lors de l’enquête qu’une personne physique de l’entreprise repentie (un dirigeant par exemple) a activement participé à la mise en œuvre des pratiques incriminées).
Il ne reste donc plus qu’à convaincre les entreprises, pour qui la délation n’est pas nécessairement entrée dans les mœurs.