Dans sa décision n°08-D-25 du 29 octobre 2008, le Conseil de la concurrence sanctionne l’interdiction faite à ses distributeurs sélectifs par la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique, de vendre ses produits sur internet. Cette décision fait suite à la procédure d’engagement qui avait été menée dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques à laquelle la société Pierre Fabre avait refusé de se joindre, préférant la voie contentieuse.

Le Conseil pose en principe que l’interdiction faite aux distributeurs agréés par un fournisseur animateur d’un réseau de distribution sélective, de vendre ses produits sur Internet constitue une restriction caractérisée de concurrence. C’est la première fois que le Conseil pose ce principe avec autant de force.

Ce faisant, le Conseil considère qu’une telle restriction ne peut faire l’objet d’une exemption collective en application du règlement d’exemption sur les accords verticaux. En outre, cela dispense l’autorité de concurrence d’apporter la preuve d’éventuels effets anticoncurrentiels et donne à l’entreprise mise en cause la charge de la démonstration que la pratique concernée peut satisfaire les conditions de l’article 81§3 du traité CE (ce que le Conseil rejette en l’espèce).

A l’instar de certains auteurs (voir notamment AlainRonzano, https://listes.cru.fr/sympa/arc/creda-oncurrence/2008-0/msg00015.html ) il est permis de s’interroger sur la validité de ce raisonnement du Conseil.

La société Pierre Fabre pensait avoir apporté la preuve que l’interdiction de revente sur Internet était objectivement justifiée et que, par conséquent, elle pouvait demander le bénéfice d’une exemption conformément à la position retenue par la Commission au paragraphe 51 in fine de ses lignes directrices sur les restrictions verticales.

Par un raisonnement pour le moins surprenant, le Conseil croit pouvoir déduire que cette faculté d’interdiction catégorique de revente par Internet est réservée aux contrats de distribution exclusive mais ne s’appliquerait pas aux contrat de distributions sélective. Non seulement une telle interprétation ne semble pas justifiée par le texte des lignes directrices ni par l’esprit du règlement d’exemption, mais elle est de surcroît incohérente avec la propre jurisprudence du Conseil.

Ensuite, pour rejeter l’application de l’article 4 c) du règlement d’exemption par catégorie n°2790/99 permettant au fournisseur animateur du réseau d’interdire des ventes par un distributeur agréé « à partir d’un lieu non autorisé », le conseil refuse d’assimiler un site Internet à un lieu de commercialisation (point 63). Or, cette position du Conseil semble difficilement conciliable avec le développement récent et continu des plates-formes de commerce en ligne.

Enfin, on peut se demander si le Conseil n’ouvre pas la porte au développement d’un certain parasitisme au sein des réseaux de distribution sélective, dans la mesure où certains distributeurs ayant les moyens de développer la vente sur Internet auront la possibilité de capter une part de la clientèle des autres revendeurs n’ayant pas de tels moyens.