À la frontière entre l’acte anormal de gestion et l’abus de droit, le risque manifestement excessif devait permettre à l’administration fiscale de sanctionner la légèreté – intentionnelle ou non – de certains dirigeants. Si le principe était louable, la mise en œuvre de ce concept était en revanche complexe…
Rappelons que le principe de non immixtion de l’administration fiscale dans la gestion de l’entreprise interdit en principe à cette dernière de juger l’opportunité des choix entrepreneuriaux…
Comment alors sanctionner la prise de risque « manifestement excessive » ? Et surtout la prise de risque devrait-elle être jugée ? N’est-elle finalement pas inhérente à l’entreprenariat ?
En réalité le pouvoir que cette théorie donnait à l’administration était en demi-teinte car il s’agissait de sanctionner à posteriori une prise de risque ayant « mal tournée »… Le concept ne valait donc que pour les « malchanceux » ce qui n’est pas en ligne avec la réalité car comme on le sait bon nombre d’entrepreneurs aujourd’hui considérés comme « successful » ont par le passé connu des déboires… C’est d’ailleurs une maxime bien connue « on apprend de ses erreurs ».
La légitimité du concept était donc douteuse…
Elle est devenue carrément discutable avec la légalisation du concept de l’abus de droit qui vient désormais condamner les comportements entrepreneuriaux ayant un but exclusivement fiscal. Beaucoup plus juste car l’administration fiscale revient ici dans son domaine en réprimant l’utilisation abusive des règles pour une optimisation fiscale sauvage et non plus une logique économique. L’administration fiscale s’étant ainsi dotée d’un nouvel outil, la théorie du risque manifestement excessif perdait de son sens.
Sans compter la théorie de l’acte anormal de gestion, de plus en plus usitée en matière de prix de transfert, qui permet à l’administration fiscale de refuser la déductibilité des charges qui n’ont pas été exposées dans l’intérêt de l’entreprise. Là encore, comme pour l’abus de droit, la théorie est claire, aucune référence à un « risque » ou à une quantification du type « manifeste », juste un principe simple : la décision prise l’a-t-elle était dans l’intérêt de l’entreprise ?
C’est donc à la lumière de ces autres concepts « voisins » que la décision du Conseil d’État ne peut être considérée que comme une bonne nouvelle.
Gageons que cette décision, en ligne avec la réalité économique, soit suivie de nombreuses permettant aux chefs d’entreprise de prendre les décisions de gestion nécessaires à la conduite de leurs entreprises sereinement.
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