En cette journée internationale des femmes, saluons les progrès réalisés dans le recrutement des membres du Conseil constitutionnel. Viennent d’être nommées respectivement, par le Président de la République, Nicole Maestracci, 1ère Président de la Cour d’appel de Rouen, en remplacement de Pierre Steinmetz, Nicole Belloubet, ancienne rectrice de l’Académie de Toulouse proposée par Jean-Pierre Bel pour succéder à Jacqueline de Guillenchmidt, alors que Claude Bartolone a choisi de reconduire purement et simplement Claire Bazy-Malaurie qui avait été nommée par son prédécesseur, Bernard Accoyer.

Ces nominations doivent être saluées à double titre, en raison d’une part de la féminisation du Conseil, mais également du choix de trois juristes, ce qui devrait être la règle pour le tribunal suprême dont la mission juridictionnelle est essentielle, notamment depuis l’introduction de la QPC. Il est étonnant que la formation et la pratique du droit ne soit pas une condition nécessaire pour la désignation des membres du Conseil constitutionnel. En Allemagne, les membres de la Cour de Karlsruhe sont nécessairement des juristes confirmés.

Le recrutement des juges de Karlsruhe

Les juges suprêmes allemands sont recrutés exclusivement parmi les juristes ayant fait de longues études de droit, théoriques et pratiques, ce qui est le cas de tout diplômé allemand à l’issue de ses deux examens d’État (entre 7 et 8 ans d’études et de stages pratiques).

Les juges suprêmes sont nommés par le Président de la République fédérale parmi les candidats exclusivement proposés par le Parlement fédéral. Parmi les seize juges que comprend la Cour (pour une fois le train de vie français est inférieur vu qu’ils ne sont que neuf au Palais Royal), six doivent être recrutés parmi les juges appartenant à l’une des cinq cours suprême [1].

Huit juges sont choisis par le Bundestag, assemblée élue au suffrage universel direct, et huit par le Bundesrat, sorte de sénat des Länders, chaque Land y étant représenté. Pour assurer une parfaite légitimité démocratique, le législateur a posé la règle de la majorité des deux tiers. Cependant, les deux partis les mieux représentés au Parlement tendent à s’entendre pour se partager les « droits de proposition ».

Cette « politisation » de la désignation des juges de Karlsruhe n’empêche pas, à l’instar de ce qui se passe aux États-Unis, que les juges en exercice soient parfaitement indépendants.

La durée de la mandature des juges est fixée à douze ans et n’est pas renouvelable.

Le juge constitutionnel ne peut exercer aucune fonction gouvernementale ou être membre d’une assemblée législative, ni exercer aucune profession, à l’exception de celle de professeur d’université. Les juges constitutionnels, comme aux États-Unis, n’hésitent pas à exprimer leurs opinions dans des conférences ou des articles.

A comparer avec le recrutement des membres du Conseil constitutionnel

En France, c’est la Constitution, complétée par une loi organique, qui détermine les modalités de nomination des membres du Conseil constitutionnel.

Il comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.

Par ailleurs, font de droit toujours partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République. Il est question de supprimer ce privilège d’ancien régime.

Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.

Les fonctions incompatibles avec celles de juge constitutionnel sont :

  • membre du Gouvernement
  • membre du Conseil économique, social et environnemental
  • défenseur des droits
  • exercice d’un mandat électif
  • certaines activités professionnelles [2].

Un commentaire sur le site du Conseil précise :
« Peuvent faire l’objet d’une nomination au Conseil constitutionnel tous les citoyens jouissant de leurs droits civiques et politiques. En pratique, il est fait appel à des personnalités dont la compétence est reconnue, notamment en matière juridique et politique. »

Assiste-t-on à une évolution mettant l’accent davantage sur la parité, la compétence et la pratique juridique que politique ?

L’égalité hommes-femmes, la mixité au travail (elles sont déjà présentes dans l’armée, la gendarmerie et la police, mais pas encore chez les sapeurs-pompiers), la parité dans les conseils d’administration, l’instauration de quotas, « à travail égal, salaire égal », l’âge de la retraite, le congé parental, le rôle de la loi [3], la féminisation accélérée de certaines professions sont des chantiers durables.

N’oublions pas la dimension internationale, alors que Lama Al-Sulaiman, saoudienne, entre au conseil d’administration du Club Méditerranée et que des hommes escaladent des grues pour se faire entendre en tant que pères.

Rendez-vous est pris pour le 8 mars 2014.


[1] Cinq cours suprêmes (oberste Gerichtshöfe), placées au sommet de chacun des cinq ordres de juridiction :

  • la Cour fédérale (Bundesgerichtshof), siégeant à Karlsruhe et Leipzig, pour la juridiction ordinaire, équivalent à la Cour de cassation ;
  • le Tribunal administratif fédéral (Bundesverwaltungsgericht), siégeant à Leipzig, équivalent du Conseil d’État,
  • la Cour fédérale des finances (Bundesfinanzhof) siégeant à Munich, pour les questions financières dont la compétence s’apparente à celle du Conseil d’État et de la Cour des Comptes,
  • le Tribunal fédéral du travail (Bundesarbeitsgericht), siégeant à Erfurt, pour les relations du travail,
  • le Tribunal social fédéral (Bundessozialgericht), siégeant à Kassel, pour les questions de sécurité sociale, sans équivalent en France, ses compétences étant attribuées à la Cour de cassation..

[2] Il s’agit des incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement : fonctions de direction dans des entreprises nationales ou des établissements publics nationaux, sociétés ou entreprises privées bénéficiant d’avantages accordés par l’État ou les collectivités publiques en vertu d’une réglementation propre, celles ayant exclusivement un objet financier ou faisant publiquement appel à l’épargne, les sociétés travaillant pour le compte ou sous le contrôle de l’État ou d’une personne publique et les sociétés exerçant certaines activités immobilières à but lucratif
  [3] Le gouvernement nous annonce une énième loi au printemps. Pour quoi faire ?