Cass. 1ère civ. 28 avril 2011, n° 10-15056

Autant le juriste cite aisément les trois premiers critères nécessaires au préjudice pour être réparable, soit le caractère direct, actuel et certain, autant il oublie souvent le quatrième.

Il est pourtant expressément prévu par l’article 1150 du Code Civil :

« Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».

Si cet article est peu utilisé, la Cour de cassation en a fait un rappel exemplaire dans son arrêt du 28 avril 2011.

Dans cette affaire un couple de vacanciers nazairiens avaient raté leur avion pour Cuba en raison du retard du train SNCF qui devait les mener à Montparnasse. La juridiction de proximité avait fait droit à leur demande d’indemnisation et avait condamné la SNCF au remboursement de leurs frais de voyage et de séjour, de taxis et de restauration en région parisienne, leurs billets de retour à Saint-Nazaire et au versement d’une somme au titre du préjudice moral découlant de cette mésaventure.

La Cour de cassation a considéré que la juridiction de proximité avait méconnu l’article 1150 du Code civil en statuant de la sorte dans la mesure où elle n’expliquait pas en quoi la SNCF pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat, que la gare Montparnasse n’était pas la destination finale des voyageurs et que ces derniers avaient conclu des contrats de transport aérien.

La décision de la Cour de cassation est saluée par la doctrine. Le raisonnement de la juridiction de proximité selon lequel l’arrivée dans une gare parisienne présumait la continuation du voyage vers une autre destination était certes manifestement fallacieux. Plus généralement, la SNCF qui conclut le plus souvent aujourd’hui ses contrats avec ses clients par voie électronique n’a pas concrètement la possibilité de savoir si le voyage acheté n’est qu’une première étape vers une autre destination ou a pour finalité un rendez-vous professionnel.

Les époux Nazairiens ont été moins chanceux que Me Rouquette qui en raison d’un retard du train entre Melun et la Gare de Lyon de 19 minutes a raté sa correspondance pour Nîmes et la plaidoirie qu’il devait assurer devant le Tribunal administratif de cette ville. La Cour d’appel de Paris par un arrêt du 22 septembre 2010 avait considéré que la ponctualité des trains constituait pour la SNCF une obligation de résultat et avait ordonné l’indemnisation des conséquences de la plaidoirie manquée (perte de crédibilité du cabinet d’avocats vis-à-vis de ses clients et préjudice moral, inquiétude et énervement, de Me Rouquette).

Cependant dans cette affaire, la SNCF n’avait pas invoqué l’article 1150 du Code civil et le juge naturellement ne peut le relever d’office.

Parions que la SNCF ne manquera pas dorénavant de se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation du 18 avril 2011 pour limiter le montant des dommages intérêts dus en cas de retard, mais ne lui laissons pas l’exclusivité. Ce critère nécessaire du préjudice indemnisable en matière de responsabilité contractuelle qu’est la prévisibilité est un outil sous employé, qui peut se révéler d’une grande utilité pour tout défenseur, qu’il soit transporteur ou non.