Cass. civ. 1, 22 septembre 2016, n°15-21.176

Dans un arrêt du 22 septembre 2016 (pourvoi n°15-21.176), la première chambre civile de la Cour de cassation a apporté un éclairage théorique précieux quant à l’étendue de l’obligation de la traduction des documents en langue française.

Dans cette affaire en effet, le défendeur avait produit au soutien de ses conclusions, un document en langue anglaise, non accompagné d’une traduction (libre ou assermentée) en langue française ; la communication de ce document visait à établir l’existence d’un marquage CE. La Cour d’appel en avait cependant tenu compte puisqu’il ressortait de la motivation de sa décision que la Cour avait retenu l’existence d’un marquage CE.

Dans le cadre de son pourvoi, la demanderesse avait notamment fait valoir que l’ordonnance de Villers-Cotterêts des 10-25 août 1539 impose une traduction en langue française des documents produits devant les juridictions françaises. Elle avait également souligné le fait que la Cour d’appel aurait dû, si elle entendait se fonder sur la version anglaise, en donner le sens en français.

La Cour de cassation ne censure toutefois pas la Cour d’appel ; au contraire, elle précise dans son attendu que l’ordonnance de Villers-Cotterêts ne concerne que les actes de procédure (plus exactement, « tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice qui en dépendent ». Elle souligne en outre que les juges sont souverains dans l’appréciation de la force probante des documents qui leur sont soumis ; partant, ils n’ont pas d’obligation particulière d’explicitation des éléments produits aux débats par les parties, à l’instar d’autres documents techniques qui peuvent parfois relever de la langue étrangère pour les profanes.

Cet arrêt de la Cour de cassation a le mérite de rappeler les contours de l’ordonnance de Villers-Cotterêts afin de calmer les ardeurs de ceux qui entendraient contraindre leur adversaire à traduire le moindre terme en langue étrangère.

Il convient toutefois de le replacer dans un contexte procédural plus pragmatique : si on peut en effet envisager de ne pas traduire certains documents courts en langue anglaise, des difficultés pratiques (pour ne pas dire un risque) se posent en présence de documents plus longs et/ou rédigés dans une autre langue que l’anglais (par exemple, l’allemand, l’arabe, etc.). Il serait ainsi risqué pour une partie de produire des documents dans une langue plus difficilement accessible que l’anglais au soutien de ses conclusions et espérer que le juge s’en saisisse, sauf à miser sur le fait qu’il soit polyglotte.

Au total, si la théorie (et l’ordonnance de Villers-Cotterêts) n’impose pas la traduction de ce type de documents, la pratique ne permet pas nécessairement d’en faire l’économie.
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