L’Agence Française Anticorruption (« AFA »)[1] a publié le 16 octobre 2024 une présentation destinée à aider les entités assujetties à la Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (« CSRD »)[2] à rendre compte de leur programme de conformité en matière de lutte contre la corruption. Le message passé va toutefois bien au-delà de ce cadre et plaide en faveur d’un élargissement du champ de Sapin II[3] à des sociétés qui ne seraient pas soumises aux seuils actuels.

En vertu des normes européennes d’information en matière de durabilité[4] (« ESRS »)[5] G1 – Conduite des affaires et des exigences de l’ESRS 2, les entreprises sont tenues de rendre compte de leur programme de conformité anticorruption.

Pourtant, un grand nombre d’entreprises assujetties à la CSRD ne sont pas encore soumises à une quelconque législation en matière de lutte contre la corruption.

L’AFA s’adresse ainsi particulièrement aux entreprises n’atteignant pas les seuils de la loi Sapin II[6] et leur demande de mettre en œuvre progressivement des mesures de conformité adaptées. En d’autres termes, l’AFA considère que les normes de reporting définies par la CSRD entraînent une obligation de mise en œuvre effective d’un dispositif de prévention et de lutte contre la corruption conforme aux exigences de la loi Sapin II. L’AFA va même plus loin puisqu’elle déclare :

« S’agissant des autres entreprises, qui n’auraient pas volontairement développé des mesures de prévention et de détection de la corruption, elles devront le signaler et manifester leur volonté d’en définir. Dès lors, l’AFA considère qu’il est dans l’intérêt de ces entreprises de se doter progressivement d’un dispositif anticorruption, cette démarche étant porteuse de nombreux bénéfices pour elles. »

Même si l’avis de l’AFA n’a pas juridiquement pour effet de modifier les seuils de Sapin II, la position prise est particulièrement éloquente de l’effet systémique de CSRD et des changements induits pour les entreprises.

L’AFA liste les piliers de la loi Sapin II permettant l’interopérabilité avec le reporting CSRD.

Voir notre tableau récapitulant l’interopérabilité Sapin II / CSRD, effectuée par l’AFA

En substance, l’interopérabilité entre les mesures de conformité anticorruption et les obligations de reporting ESG a vocation à simplifier les différents flux de travaux réalisés par les entreprises. Ce travail d’interopérabilité participe d’une optimisation des coûts en entrainant des répercussions positives sur la gouvernance et un gain de temps – en matière de collecte et de transcription des données – et garantit la fiabilité des données, comme le souligne l’AFA.

Enfin, cette interopérabilité devrait faciliter les procédures d’évaluation de tiers et donner de la visibilité aux investisseurs.


[1] L’AFA exerce une fonction de conseil, d’assistance et dispose d’un pouvoir de contrôle administratif lui permettant de vérifier la réalité et l’efficacité des dispositifs de lutte anticorruption mis en œuvre par les entités concernées.

[2] Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014, la directive 2004/109/CE, la directive 2006/43/CE et la directive 2013/34/UE, en ce qui concerne les rapports sur le développement durable des entreprises (CSRD – Corporate sustainability reporting directive).

[3] Loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

[4] European Sustainability Reporting Standards

[5] Règlement délégué (UE) 2023/2772 du 31 juillet 2023 complétant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil

[6] Les seuils sont les suivants : entreprises de 500 salariés, dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros ayant son siège social basé en France.