Déclarée « grande cause du quinquennat », l’égalité entre les femmes et les hommes est, depuis le 1er janvier 2019, le cheval de bataille de la présidence française du G7.
Afin de convaincre les plus réfractaires, l’égalité entre les femmes et les hommes est brandie comme la condition sine qua non pour relever le défi de la baisse du chômage, contribuer à la croissance économique et la compétitivité des entreprises, ainsi qu’à la promotion du développement durable et de la bonne gouvernance.
En 2016, France Stratégie[1] avait évalué l’augmentation du PIB à cent cinquante milliards d’euros, si la France parvenait à résorber le gouffre économique causé par les discriminations sexuées.
Une obligation de résultat indexée
Le 5 septembre 2018, la loi n° 2018-771 dite Loi Avenir professionnel est venue renforcer l’artillerie des dispositifs légaux nationaux déjà existants visant à supprimer l’inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Cette nouvelle loi inscrit désormais dans le Code du travail l’obligation pour l’employeur de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre, pendant douze mois consécutifs, pour les supprimer. Tout en introduisant également une obligation de résultat, les dispositions de l’article 104 de la loi renvoient à un décret d’application pour toutes les modalités permettant de mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Il a fallu attendre la publication en novembre dernier de l’index du Ministère du travail pour connaître quels étaient les cinq indicateurs visés par la loi, à savoir : (1) l’écart de rémunération, (2) l’écart de répartition des augmentations individuelles, (3) l’écart de répartition de promotions, (4) le pourcentage de salariées bénéficiant d’une augmentation dans l’année de leur retour de leur congé de maternité et (5) le nombre de femmes et d’hommes dans les dix plus hautes rémunérations.
Dès lors qu’il est énoncé que l’employeur doit atteindre un minimum de soixante-quinze points sur une échelle globale de cent points, chacun des cinq indicateurs est évalué sur un nombre de points maximum associés.
Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 officialise la liste des indicateurs et le nombre de points minimum que l’employeur doit atteindre pour éviter une pénalité financière.
Le décret fixe les objectifs à atteindre permettant aux entreprises de cumuler des points.
Par exemple, si l’écart du taux de rémunération au sein d’une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés se situe entre 4% et 5%, l’entreprise comptabilise trente-cinq points ; si l’écart du taux d’augmentation se situe entre 2% à 5%, elle comptabilise vingt-cinq points.
En outre, les deux annexes rattachées au décret développent une méthodologie détaillée de calcul et présentent les barèmes pour chacun des cinq indicateurs.
Par ailleurs, le décret redéfinit le calendrier de publication des résultats en fonction de l’effectif de l’entreprise et fixe les conditions de détermination de la pénalité financière.
Un calendrier aménagé
L’article 104 de la Loi Avenir Professionnel fixait au 1er janvier 2020 l’entrée en vigueur des dispositions pour les entreprises de plus cinquante salariés mais de moins de deux-cent-cinquante salariés, et au 1er janvier 2019 pour celles de plus de deux-cent-cinquante salariés.
Le décret distingue cependant quatre types d’entreprises selon leur effectif :
- les entreprises de moins de cinquante salariés,
- les entreprises de plus de cinquante salariés mais moins de deux-cent-cinquante salariés,
- les entreprises de plus de deux-cent-cinquante salariés et moins de mille salariés, et
- implicitement les entreprises de plus de mille salariés.
Par exemple, une entreprise de quatre-vingts salariés a jusqu’au 1er mars 2020 pour publier ses résultats obtenus au titre des douze mois consécutifs déterminés par l’employeur (ex. du 1er mai 2018 au 30 avril 2019).
Une entreprise de cinq cents salariés a jusqu’au 1er septembre 2019 pour en faire autant.
Une entreprise de mille deux cents salariés a jusqu’au 1er mars 2019 pour publier ses premiers résultats.
Toutes devront publier, par la suite, de nouveaux résultats au 1er mars de chaque année.
Un préavis de trois ans ?
Les employeurs bénéficient concrètement d’un préavis de trois ans pour éviter la pénalité financière déterminée par l’autorité administrative pouvant s’élever jusqu’à 1% des rémunérations et gains versés au cours de l’année civile précédant l’expiration des trois ans.
Une pénalité financière sera également due en cas d’absence de publication des informations, d’autant que le décret précise qu’à défaut de site internet, ces informations doivent être portées à la connaissance des salariés par tout moyen. Elles doivent également être mises à disposition du comité social et économique. Désormais, parce que l’autorité administrative assimilera l’absence de mise à disposition de ces informations à une entrave au fonctionnement régulier dudit comité, l’entreprise est passible d’une amende supplémentaire de sept mille cinq cents euros (7 500 €).
In fine, l’ensemble de ces informations doit être transmis à l’autorité administrative par voie de télédéclaration selon le modèle et procédure qui seront fixés par arrêté ministériel.
Si pendant trois années consécutives le niveau de résultat est de moins de soixante-quinze points, l’agent de contrôle de l’inspection du travail transmet un rapport à la DIRECCTE. La DIRECCTE prévient ensuite l’employeur dans un délai maximum de deux mois de la pénalité à compter du jour de la transmission du rapport.
L’employeur a un mois pour justifier cette défaillance et peut demander de bénéficier d’un délai additionnel d’un mois si la situation est complexe. La DIRECCTE a ensuite deux mois pour délibérer, soit pour octroyer un délai d’un an supplémentaire en cas d’efforts constatés ou pour annoncer le taux de la pénalité.
Toutefois, le couperet tombera en cas de résultat non atteint après l’octroi d’une année supplémentaire.
Article rédigé par Jean-Marc Sainsard et Ingrid Appasamy
[1] France Stratégie, Le coût économique des discriminations, document de présentation, 20 septembre 2016, p.7