Cass. 1ère civ., 12 juillet 2017, n° 15-29.334

Dans un arrêt du 12 juillet 2017, la Cour de cassation fait une synthèse des principaux éléments entourant le principe d’immunité de juridiction (Cass. 1ère civ., 12 juillet 2017, n° 15-29.334), et notamment le fait que :

– il s’agit d’un grand principe de droit international ;
– les Etats étrangers bénéficient de l’immunité de juridiction lorsque l’acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion.

Depuis longtemps, la jurisprudence française a consacré le fait que « l’égalité et l’indépendance des Etats fait obstacle à ce que l’un d’entre eux s’érige en juge d’un autre » (Cass. civ., 22 janvier 1849).

Si la France n’a pas légiféré en matière d’immunité des Etats étrangers, le principe de cette immunité a néanmoins été posé par la Cour de cassation depuis cet arrêt de 1849, dont il résulte qu’« un gouvernement ne peut être soumis pour les engagements qu’il contracte à la juridiction d’un Etat étranger ».

La jurisprudence a depuis lors largement développé les contours dans lesquels s’inscrit cette immunité et notamment au regard des dispositions de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004. Dans son préambule, la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 a, à juste titre, rappelé que « les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens procèdent d’un principe généralement accepté du droit international coutumier ».

Cette Convention figure l’évolution actuelle du droit international en la matière et à laquelle renvoie régulièrement la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 28 mars 2013, n° 11-13.323). Le législateur français – suivant le pas de la Cour de cassation – et face au délai entre la signature de cette Convention et son entrée en vigueur, a pris les devants et codifié certaines de ses dispositions dans le cadre de la loi Sapin II.

La Cour européenne des droits de l’Homme a également rappelé que le principe de l’immunité de juridiction dont jouit un Etat étranger ne fait « qu’observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats grâce au respect de la souveraineté d’un autre Etat » (CEDH, 21 novembre 2001, Al Adsani et Fogaty c/ Royaume Uni).

Dans ce contexte, la Cour de cassation a toutefois limité l’immunité de juridiction dont jouissent les Etats souverains étrangers aux procédures relatives à un acte « qui participe, par sa nature ou sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de [l’Etat] » (Cass. mixt., 20 juin 2003, n° 00-45.629), lesquels s’analysent comme des actes de « puissance publique » ou des actes « accomplis dans l’intérêt d’un service public ». Il ne doit donc pas s’agir d’un acte de gestion privée (Cass. soc., 31 mars 2009, n° 07-45.618).

En l’espèce, l’affaire ayant fait l’objet du pourvoi concernait un contrat de lobbying pour favoriser l’implantation d’une université privée à Abou Dabi avec le label de Paris-Sorbonne et avec l’enseignement de matières traitées par l’université française en langue française ou anglaise.

La Cour d’appel de Paris avait estimé que ce contrat ne pouvait s’analyser « ni comme une activité de puissance publique ou un exercice de la souveraineté d l’Etat ni comme un acte de gestion administrative ou un acte accompli dans l’intérêt du service public de l’éducation tel que défini à l’article 120 de la Constitution des Emirats Arabes Unis ».

Cependant, la Cour de cassation infirme l’arrêt et relève à l’inverse que l’acte se rattache à la création « d’un établissement d’enseignement supérieur au moyen d’un partenariat international ne participait pas à l’accomplissement d’un acte dans l’intérêt du service public de l’éducation ».

Faisant fi du caractère privé de l’université objet du contrat, la Cour de cassation rattache subtilement le projet au « service public de l’éducation ». Elle infirme ainsi l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que cette dernière a violé le principe de l’immunité de juridiction des Emirats Arabes Unis.

C’est donc dans ce contexte et par un subtil rattachement au service public d’un Etat que la Cour de cassation rappelle les contours d’un principe de droit international fondamental tel que celui de l’immunité de juridiction des Etats souverains étrangers.
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