« La stratégie des antilopes » de Jean Hatzfeld Peut-être mes pensées se sont envolées, peut-être je ne réfléchissais plus, peut-être mes pensées de survie ne ressemblaient plus à de véritables pensées. On n’était plus complètement nous-mêmes et c’est pourquoi on a oublié. Pour celui qui n’a pas vécu le génocide, manquera toujours la vérité, à cause de la défaillance des rescapés »

Berthe Mwanankabandi explique pourquoi elle a tant de mal à mettre des mots sur sa vie de proie, pendant les semaines qu’elle a passé à se cacher dans les marais, au printemps de l’année 1994 au Rwanda.

Léopord Twagirayezu, lui était de l’autre coté et comme il le dit lui-même il a « commencé à regretter à voix haute» et il raconte, il ne peut plus s’arrêter de raconter « Il réitère ses aveux à son procès ou il témoigne à la barre de plusieurs tribunaux, il raconte aux visiteurs étrangers attirés par sa notoriété. Sa collaboration avec la justice lui évite la peine capitale, mieux, commue celle-ci en une peine de sept années de prison, moindre que celle de ses compagnons de dortoir. Cela ne le calme pas, ses aveux se transforment en une inépuisable logorrhée repentante, non sans incidents ».

Jean Hartzfeld a fait de nombreux voyages au Rwanda depuis 1994, non pas pour chercher une explication mais pour dire ce qui s’est passé. Il en est résulté plusieurs livres. La stratégie des antilopes est le dernier.

L’auteur a choisi d’écouter les Tutsis parler de leur calvaire, de la traque, de l’avilissement, puis du difficile retour à la vie normale aux cotés de ceux-là même qui ont commis les massacres et qu’on a sorti de prison.

A ces derniers aussi, Jean Hatzfeld laisse la parole, et certains acceptent de raconter la chasse, le sang, et leurs sentiments aujourd’hui, confrontés aux regards de ceux dont ils ont tué les parents.

Il n’intervient jamais pour juger. Il ausculte les conséquences humaines d’un génocide chez les rescapés et les tueurs, qui sont aujourd’hui contraints de cohabiter à nouveau.

Il est humble et attentif face à la parole de celui qui a vécu le génocide, d’un coté ou de l’autre et les récits qu’il retranscrit sont d’une universalité douloureuse.