Cass. com., 30 mars 2016, n°14-23.261

L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 mars 2016 (pourvoi n° 14-23.261) rappelle que les clauses de non-concurrence illicites sont sanctionnées par la nullité, et non par la réduction de leur périmètre par le juge.

Pour rappel, les conditions de validité des clauses de non-concurrence en droit français sont, outre les conditions de droit commun des contrats, les suivantes :

1. limitation de la clause dans le temps et dans l’espace ;
2. identité entre les activités interdites et celles qui sont régies par le contrat ;
3. plus généralement, existence d’un intérêt légitime du créancier de l’obligation de non-concurrence ;
4. proportionnalité entre l’intérêt légitime du créancier et les droits du débiteur.

À ces conditions s’ajoute, en matière de contrat de travail uniquement, celle d’une contrepartie financière au profit du salarié débiteur de l’obligation de non-concurrence.

En l’espèce, la Cour de cassation était saisie d’une affaire opposant un franchiseur à son ex-franchisé. À l’expiration du contrat de franchise, ce dernier a poursuivi son activité dans les mêmes locaux en violation de la clause de non-concurrence stipulée au contrat. Le franchiseur a alors agi en justice en réparation du préjudice causé par la violation de cette clause.

La clause litigieuse était limitée dans le temps et dans l’espace. Les juges du fond ont toutefois considéré que la clause était disproportionnée au regard de l’étendue de la zone géographique qu’elle couvrait : pas moins de six départements de la région parisienne. Considérant que rien ne justifiait une telle étendue, ils ont prononcé la nullité de la clause litigieuse et débouté le franchiseur de ses demandes indemnitaires.

Il s’agissait là d’une solution orthodoxe. Si l’une des conditions de validité d’une clause n’est pas remplie lors de sa conclusion, cette dernière est nulle.

Toutefois, les juges du fond se sont parfois arrogé le droit de « réduire » les clauses de non-concurrence excessives plutôt que d’en prononcer la nullité. En effet, les juges du fond « remodèlent » souvent les clauses de non-concurrence insuffisamment limitées : en réduisant à cinq ans une clause stipulée pour quinze par exemple.

Cette sanction par « réduction » des clauses de non-concurrence excessives est déjà admise par la Chambre sociale de la Cour de cassation en droit du travail. En matière civile et commerciale, les juges du fond sont partagés : certains s’en tiennent à la nullité tandis que d’autres acceptent de réduire les clauses illicites.

Compte tenu de ces hésitations, le pourvoi formé en l’espèce présentait un intérêt particulier.  Le demandeur au pourvoi prétendait en effet que, si les juges du fond devaient tenir pour illicite une clause de non-concurrence insuffisamment limitée, ils devaient toutefois faire application de ladite clause lorsque « dans la mesure de sa licéité, quand il est certain que son débiteur l’a violée ».

En d’autres termes, si la clause avait été limitée au seul département dans lequel le franchisé était établi, elle n’aurait pas été illicite. Or, constatant que l’ancien franchisé avait continué à exercer son activité dans les mêmes locaux, les juges auraient dû appliquer la clause en la réduisant au seul département en question.

La Chambre commerciale refuse de faire droit à cet argument pourtant habile en s’en tenant à l’orthodoxie juridique : une clause de non-concurrence dont les conditions de validité ne sont pas remplies est nulle et ne peut recevoir aucune application. Cet arrêt a donc le mérite de clarifier les sanctions encourues par les clauses de non-concurrence excessives. Cependant, il n’est pas publié au bulletin civil de la Cour de cassation, de sorte qu’il ne suffira sans doute pas à mettre un terme aux hésitations des juges du fond.  Des suites sont donc à prévoir…
Article rédigé par Marine Verger et Louis-Emmanuel Pierrard