Les promesses des élections présidentielles sont les réformes de demain, ou plutôt d’aujourd’hui. Si la plupart demeurent lettres mortes, certaines prennent naissance sans qu’il soit possible d’en apprécier les bénéfices immédiats, les inconvénients étant eux ipso facto relevés par la grogne populaire.

Dans un double esprit de maintien de justice sociale et de développement d’une économie de marché qui anime une majorité de gauche, la marge de manœuvre du gouvernement semble aussi étroite que schizophrène tant ces deux objectifs sont antagonistes. Le marché de l’immobilier est une excellente illustration tant s’y entremêlent les considérations politiques, économiques, sociales et fiscales.

Le gouvernement désire combattre les injustices et difficultés auxquelles sont confrontés les français pour se loger sans pour autant décourager les propriétaires et les investisseurs immobiliers. Il veut encadrer et réguler le marché immobilier dans un souci de protection des locataires mais revient sur la mesure mise en place par la majorité précédente en réduisant de 30 à 22 ans le délai pour bénéficier d’une exonération totale de la plus-value au titre de l’impôt sur le revenu, afin de mettre un terme aux effets pervers du système instauré en 2011 et ainsi fluidifier le marché.

Les deux réformes qui mettent en œuvre ce vaste chantier sont celle relative à la fiscalité des plus-values immobilières et celle portant sur l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

I. La fiscalité des plus-values immobilières

La réforme de la fiscalité des plus-values immobilières est applicable à compter du 1er septembre 2013 mais ne sera votée que dans le cadre de la loi de finance 2014 pour une adoption définitive en fin d’année. Cette réforme vient modifier le délai de détention nécessaire à l’exonération totale du bien de 30 à 22 ans, délai qui avait déjà été porté de 15 à 30 ans par la précédente majorité pour les transactions effectuées à partir du 1er février 2012. Cette mesure, jugée néfaste pour l’incitation des propriétaires à la mise sur le marché de biens immobiliers, a motivé une réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières.

La nouvelle durée de détention mise en place par cette réforme s’applique aux résidences secondaires, aux biens locatifs, aux logements vacants, aux parts de SCPI ou celles de SCI.

Afin de mieux comprendre la taxation des plus-values immobilières au regard des réformes successives, voici trois tableaux synthétisant les éléments essentiels.
Régime antérieur à la réforme du 1er février 2012 La rose et le chou : état des lieux des réformes affectant le marché de l’immobilier Régime suite à la réforme du 1er février 2012 La rose et le chou : état des lieux des réformes affectant le marché de l’immobilier Régime suite à la réforme du 1er septembre 2013 La rose et le chou : état des lieux des réformes affectant le marché de l’immobilier Cette réforme est plus généreuse envers les propriétaires au regard des abattements pour durée de détention qui leurs sont accordés mais cela se fait au détriment de la simplicité, mise à mal par le double régime d’abattements.

Toutefois, afin d’atteindre l’objectif recherché de fluidité du marché immobilier et ce à titre temporaire, un abattement exceptionnel de 25% sera accordé aux cessions réalisées entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 sur les plus-values nettes imposables, cet abattement venant s’ajouter aux abattements déjà mentionnés.

Les cessions de terrain à bâtir, les cessions réalisées par le cédant au profit de son conjoint, son partenaire de PACS ou concubin, d’un ascendant ou d’un descendant ainsi que les cessions de titres de sociétés à prépondérances immobilières sont exclues de cette mesure exceptionnelle.

II. Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ou loi Duflot, du nom de la ministre écologiste de l’Égalité des Territoires et du Logement, a été adopté en 1ère  lecture par l’Assemblée nationale le 17 septembre 2013.

Ce projet vise à combattre la crise du logement qui se matérialiserait par une forte augmentation des loyers, une pénurie des logements, auxquelles s’ajoute la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Il souhaite rééquilibrer les rapports propriétaires-locataires et propose pour cela une batterie de mesures dont nous ne retiendrons que les principales.

L’encadrement des loyers

L’article 3 du projet de loi Duflot met en place un dispositif d’encadrement des loyers qui prévoit dans les zones dites « tendues », marquées par un fort déséquilibre entre offre et demande de logement, l’impossibilité pour les loyers d’excéder de plus de 20% un loyer médian calculé à partir de tous les loyers existants. 

Le préfet de département fixera chaque année par arrêté un loyer médian de référence, un loyer médian de référence majoré et un loyer médian de référence minoré par type de logement et par secteur géographique, en fonction de la structuration du marché locatif, sur proposition de l’observatoire local des loyers.

Concrètement, lors de la signature d’un nouveau bail, le propriétaire ne pourra plus fixer librement le montant du loyer. Ce dernier ne pourra pas dépasser le montant payé par l’ancien locataire mais pourra simplement faire l’objet d’une actualisation sur la base de ce montant en fonction de l’évolution de l’IRL (Indice de Référence des Loyers) entre la date de fixation de l’ancien loyer et la signature du nouveau bail. Toutefois, des exceptions sont prévues notamment lorsque le loyer précédent était manifestement sous-évalué par rapport aux loyers du voisinage, cas dans lequel une réévaluation du loyer sera admise sans dépasser certaines limites.

Concernant les cas de renouvellement du contrat de bail, la hausse du loyer ne pourra pas dépasser la variation imposée par l’IRL. Néanmoins, en cas de loyer manifestement sous-évalué au regard des loyers du voisinage, le propriétaire pourra procéder à une réévaluation qui ne dépassera pas, entre autre, 50% de la différence entre l’ancien loyer et les loyers de références.

Ce dispositif se distingue du dispositif antérieur d’encadrement des loyers mis en place par le décret n°2012-894 du 20 juillet 2012 relatif à l’évolution de certains loyers. Les mesures de ce dispositif s’appliquent aux renouvellements ou signatures de baux intervenus postérieurement à la parution du décret et prennent en compte deux critères pour désigner une zone locative tendue :

  • une évolution trop rapide des loyers (supérieure à 3,2% par an entre 2002 et 2010) ;
  • un loyer moyen trop élevé (supérieur à 11,1 euros le mètre carré).

Aussi louables que puissent être les intentions de ce projet de loi, il y a fort à parier que les effets pervers soient au rendez-vous et que le mécanisme d’encadrement des loyers se traduise par la baisse des loyers les plus élevés mais pénalise les locataires disposant d’un logement depuis longtemps par la réévaluation à la hausse de leurs loyers.

La garantie universelle des loyers (GUL)

Le projet de loi Duflot a intégré parmi ses dispositions une garantie universelle des loyers (GUL), outil permettant de lutter contre les impayés de loyers. Ce dispositif fait partie du volet séduction à l’égard des propriétaires afin de contrebalancer le dispositif d’encadrement des loyers évoqué précédemment.

La GUL n’entrera en vigueur que pour les bailleurs personnes physiques et personnes morales concernant les contrats de location nue ou meublée, conclus à compter du 1er janvier 2016, afin de couvrir les risques d’impayés de loyer.

Cette GUL qui repose sur le principe de la mutualisation des risques sera mise en œuvre par une Agence de la garantie universelle des loyers établie par décret au plus tard le 1er octobre 2014.

Autre particularité de ce dispositif, la substitution, pour les propriétaires, du régime de garantie au régime de cautionnement issu de l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en particulier pour faciliter l’accès au logement des étudiants, des jeunes et des personnes aux revenus modestes ou précaires.

Dans le projet de loi adopté en l’état, rien n’est dit sur le financement de cette GUL qui a vocation à remplacer la caution. Vraisemblablement, le fonds permettant d’indemniser les propriétaires en cas d’impayés serait alimenté par un prélèvement de 2 % environ du loyer, payé à parts égales par le propriétaire et le locataire ; cette question devant être abordée ultérieurement lors du vote de la loi de Finance.

Les autres mesures

Parmi les autres mesures notables attelées à ce projet de loi, la régulation des professions de l’immobilier et notamment les agents immobiliers est soulevée. Au-delà de leurs frais qu’il souhaite plus transparents, l’État entend encadrer plus étroitement l’activité des syndics de copropriété, dans un souci de meilleur contrôle des excès. Enfin, l’un des axes majeurs de ce projet de loi porte sur la construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux.

Rappelons que ce projet de loi n’est que celui adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale et que le jeu des navettes parlementaires et des amendements devraient nous délivrer un texte de loi modifié. Le Senat examinera ce texte aux mois d’octobre et novembre.

Il est difficile de concilier des intérêts antagonistes. Les hésitations de la majorité présidentielle sont symptomatiques. Elle doit répondre à la demande de justice sociale, de répartition des richesses et de hausse des salaires de son électorat tout en restant proche de la réalité économique et de ces acteurs principaux (investisseurs, grandes fortunes, propriétaires) qui voient d’un mauvais œil toutes mesures visant à encadrer, restreindre et pénaliser la création de richesse et les investissements.

Pas facile de ménager la rose et le chou !