La profession d’avocat a connu en Chine des bouleversements considérables depuis son apparition au début du XXème siècle, au contact des concessions étrangères.
Elle a littéralement disparue pendant la révolution culturelle entre 1967 et 1977.
En 1980, le Comité permanent de la 5ème Assemblée Nationale Populaire a publié « le règlement national sur la profession d’avocat » dont l’article 1er stipule que « l’avocat est un travailleur juridique de l’Etat ».
Cette notion d’avocat fonctionnaire, en totale contradiction avec l’un des principes essentiels de la profession, l’indépendance de l’avocat, est apparue peu satisfaisante au regard du développement de l’économie de marché.
Une nouvelle définition de la profession a été adoptée en 1996 lors de la 9ème Assemblée Nationale Populaire « par avocat, la présente loi désigne les professionnels ayant obtenu leur licence professionnelle d’avocat conformément à la loi et fournissant des services juridiques pour la société ».
Cette loi consacrait donc l’autonomie de l’avocat, qui libéré de son statut de fonctionnaire financé par l’état, devenait responsable de ses profits et pertes, de son développement et de sa discipline.
Cette loi a précisé les conditions d’accès à la profession, ses missions, les droits et obligations de ses représentants, l’aide juridictionnelle et la responsabilité en cas d’infraction.
Elle accordait aux avocats un certain nombre de prérogatives pour assurer la défense pénale de leurs clients, mais dans les faits ces prérogatives n’ont été respectées ni par les juges, ni par le parquet.
Enfin, cette loi a créé les associations d’avocats au niveau provincial et local. Au niveau national, la profession d’avocat est représentée par l’All China Lawyers Association (ACLA).
La loi de 1996 prévoyait pour ces associations une autonomie qui en pratique n’a jamais été exercée. Elles sont en effet soumises à la tutelle étroite des bureaux locaux du Ministère de la Justice, qui a été renforcée par la loi de 2007.
Le nombre de litiges soumis aux tribunaux a connu une augmentation exponentielle à la fin des années 90. L’essor du contentieux administratif notamment est particulièrement révélateur de la croissance de l’activité contentieuse dans un pays où par tradition l’administration a toute puissance et où les citoyens sont culturellement réservés et peu attirés par le conflit ouvert.
Le 26 juin 2005 le Président Hu Jintao déclarait :
« la règle de droit est importante pour la promotion, la réalisation et la préservation d’une société harmonieuse. Ce principe doit être appliqué avec rigueur dans tous les secteurs politiques, administratifs et judiciaires pour assurer que le puissant soit contrôlé et assume la responsabilité de ses méfaits ».
L’évolution extrêmement rapide du pays vers une économie de marché ouvre la voie à une nouvelle réforme de la profession.
En 2007, une nouvelle loi renforce les pouvoirs des avocats, notamment leurs pouvoirs d’investigation en matière pénale, en leur donnant la possibilité de rencontrer leur client, dont la liberté a été restreinte, dès le premier jour du premier interrogatoire ou de la première mesure de coercition, en leur donnant accès aux pièces du dossier et en leur permettant d’en prendre copies.
L’extension de ces pouvoirs est d’autant plus importante que les avocats pénalistes chinois ont la lourde tâche de devoir défendre la vie de leur client.
Cependant la loi de 2007 renforce parallèlement le pouvoir de contrôle du ministère de la Justice et des bureaux de la justice et restreint de ce fait le pouvoir de l’ACLA, comme des associations locales, instituée par la loi de 1996.
Ainsi tandis que la profession se développe, que ses attributions sont mieux définies et élargies par la loi, ses représentants se trouvent soumis à de plus grandes pressions des autorités, qui redoutent leur pouvoir grandissant.
Human Right Watch souligne ainsi dans son rapport du 29 avril 2008 que les avocats chinois qui acceptent des affaires considérées par le gouvernement comme sensibles ou potentiellement embarrassantes se retrouvent en but à de sévères abus, qui vont du harcèlement à la radiation du barreau et que les actes d’intimidation sont nombreux.
Ainsi, le rapport relate qu’en avril 2008, le Ministre de la justice a vivement déconseillé à un groupe d’avocats qui avaient offert publiquement de défendre des protestants tibétains de s’impliquer dans cette mission, sous peine de faire face à des mesures disciplinaires et de remettre en cause le renouvellement de leur licence. Le ministre de la Justice a en effet le pouvoir de suspendre leur licence si les avocats ne se conforment pas à ses directives et de telles menaces sont selon ce rapport courantes pour les avocats qui acceptent de se saisir de dossiers « sensibles ».
Ainsi si le gouvernement chinois a souligné de façon constante la nécessité de développer la profession d’avocats et mis en valeur le rôle de l’avocat dans l’exercice de la justice et la préservation de la paix civile, les officiels chinois insistent en même temps sur le fait que les avocats doivent respecter la ligne politique du parti.
Le secrétaire du comité politique et légal du parti, Wang Shengjun déclarait en mars 2005 qu’ « Il y a des gens qui utilisent des moyens tirés des théories légales occidentales et sous le prétexte de « diriger le pays conformément à la loi » tentent de nier le leadership du parti ».
Le rapport de Human Right Watch cite les cas de :
Li Heping, un éminent avocat de Pékin qui a été kidnappé, détenu et battu par un groupe d’hommes non identifiés le 29 septembre 2007. Les kidnappeurs l’ont relâché après 6 heures de détention et après l’avoir menacé de l’agresser physiquement s’il ne quittait pas Pékin
Zhang Jiankang, un avocat qui a défendu des agriculteurs dans une affaire de large envergure à Nanhai, Guangdong, n’a pas été réinscrit au barreau en décembre 2007
Zhang Jianzhong, autre avocat qui avait exercé les fonctions de Président du Comité sur les droits des avocats à Pékin au sein de Beijing Lawyers Association, a été arrêté en mai 2002 et condamné à 2 ans de prison en décembre de la même année pour avoir soi-disant contribué à la falsification de preuves.
Ainsi dans un pays où le libéralisme sauvage masque mal un régime resté autoritaire, la liberté se gagne à petits pas. Néanmoins la croissance économique qui s’impose désormais aux dirigeants a le double effet de forcer les pouvoirs publics à prendre en compte la nécessité de développer la profession et de donner aux avocats un nouvel élan pour défendre les valeurs de leur profession.
Et les avocats étrangers ?
Pour exercer en Chine les avocats étrangers doivent être titulaire d’une licence d’exercice délivrée par le ministère de la justice. Ils ne sont pas autorisés à pratiquer le droit chinois.
Un peu plus d’une centaine de cabinets étrangers est aujourd’hui installée en Chine. Hammonds en fait partie avec ses bureaux de Hong Kong et Pékin (Voir nos articles : Hammonds Far East et Hammonds est présent à Hong Kong….
Christian Hausmann est par ailleurs inscrit sur la liste des arbitres de la CIETAC (China International Economic and Trade Commision), la plus importante institution permanente d’arbitrage en Chine.