En janvier 2009, la Commission des lois du Sénat a examiné la proposition de loi du sénateur Béteille relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires et y a ajouté des dispositions relatives à la profession d’avocat. Parmi elles, la convention de procédure participative (article 31 de la proposition de loi). A ce jour la proposition de loi a été examinée par les deux assemblées en première lecture et adoptée en dernier lieu par l’Assemblée nationale le 30 juin dernier. Le calendrier n’est pas encore fixé pour la suite des débats.

L’introduction de ce nouveau mode de règlement des litiges faisait partie des recommandations du rapport Guinchard remis au garde des Sceaux en juin 2008, visant au désengorgement des tribunaux et s’inspire du droit collaboratif dont nous vous parlions dans un précédent article ( Le droit collaboratif).

La proposition de loi prévoit que les dispositions relatives à la convention de procédure participative viendront s’insérer au livre III du code civil (articles 2062 à 2067).

Par cette convention « les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». La proposition de loi définit le champ d’application, le contenu et la forme de la convention qui, sous peine de nullité, fait l’objet d’un écrit.

La proposition précise « Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition », ce qui exclut de son objet les questions relatives à l’état et la capacité des personnes. Par exception, à ce principe la Commission des lois de l’Assemblée nationale a introduit la possibilité pour les époux d’avoir recours à la procédure participative « en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps ». Elle a par ailleurs ajouté un alinéa qui écarte les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail, estimant qu’en l’occurrence la procédure participative faisait « doublon » avec la conciliation obligatoire devant le conseil des prud’hommes.

Comme le souligne le rapporteur de la Commission des lois de l’Assemblée nationale ( Rapport AN n° 2622), l’expression « Toute personne », sans autre précision, laisse entendre que les personnes morales (de droit privé, comme de droit public) pourront recourir à la procédure participative.

La convention de procédure participative est conclue pour une durée limitée, fixée par les parties, qui suspend les délais de prescription et pendant laquelle le litige ne pourra pas être porté devant un juge.

Une fois parvenues à un accord, les parties pourront le soumettre à l’homologation du juge. Faute d’accord avant le terme prévu ou en cas de règlement partiel de leur différend, elles pourront saisir le juge et seront dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable éventuellement prévue. L’homologation de l’accord et la dispense de conciliation ne s’applique pas au divorce et à la séparation de corps qui devront être prononcés par le juge suivant les règles prévues en la matière au titre VI du livre Ier du code civil.

La proposition de loi prévoit que « la procédure participative est régie par le code de procédure civile ». Relevons le commentaire du rapporteur: « Si le code civil régit donc la procédure participative, c’est bien parce que son aboutissement naturel est la saisine d’un juge »3. Cette affirmation, corroborée par les arguments des partisans de la procédure participative lors des débats parlementaires, est pour le moins surprenante s’agissant d’un mode de règlement des conflits qu’on aurait pu croire alternatif.

La procédure participative imaginée par Monsieur Guinchard et mise en œuvre par la proposition de loi Béteille est en fait fort éloignée (pour ne pas dire en contradiction) du droit collaboratif dont elle est sensée s’inspirer.

L’objectif même du droit collaboratif, comme nous l’écrivions dans un précédent article ( Le droit collaboratif),
est d’éviter que le conflit familial ne soit porté devant les tribunaux avec toute la publicité que cela implique (voir l’éditorial de Christian Hausmann).

Non seulement les parties s’engagent à ne pas diligenter une procédure judiciaire pendant toute la négociation, mais leurs avocats s’obligent, en cas d’échec du processus, à se déporter du dossier. Par ailleurs, toutes les informations échangées restent confidentielles et ne peuvent être utilisées dans un procès ultérieur. C’est dire à quel point l’objectif est bien de parvenir par la négociation et l’implication des parties et de leurs avocats à une résolution amiable du conflit.

Rien de tel avec la procédure participative qui en l’état des travaux parlementaires, n’exclut absolument pas que les mêmes avocats défendent leurs clients devant le juge. On imagine sans peine que leur détermination à aboutir à une solution amiable en sera amoindrie.

Curieusement, alors que la motivation de départ était de contribuer au désengorgement des tribunaux, on constate un dévoiement vers une procédure qui d’alternative, deviendrait préparatoire au procès, comme la conciliation en matière prud’homale, dont le taux de réussite est modeste (les plaideurs en cela épaulés par leurs avocats, veulent en découdre).

Serge Guinchard a estimé que la confidentialité des informations échangées et l’obligation pour les avocats de se déporter, tout en constituant la force du droit collaboratif, devenaient une faiblesse en cas d’échec : perte de temps et coûts pour les parties.

« ceux qui n’auront pu aboutir à une solution négociée n‘auront plus les moyens financiers et probatoires de se lancer dans une procédure judiciaire qui demeure alors pourtant leur seule issue »

Au final, lors des débats parlementaires, l’argument selon lequel la procédure participative était un préalable utile au procès est devenu prépondérant : « La procédure judiciaire consécutive à la procédure participative gagnera en efficacité, car celle-ci s’apparente à une mise en état de fait, ce qui diminuera la durée du procès. C’est la grande différence avec les autres modes de résolution de conflits » (propos de Marie-Hélène Des Esgaulx, Sénat 11 février 2009).

En conclusion, la procédure participative est bien nommée. Il s’agit plus pour les parties de participer avec leurs avocats à la procédure de mise en état de leur affaire, que de s’accorder avec l’aide de praticiens formés au processus de négociation, en vue de trouver une solution équilibrée et conforme à leurs intérêts.