LA PORTÉE ÉTENDUE DES RÉGIMES DE SANCTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

Les sanctions économiques ou « mesures restrictives » prennent des formes variées et ne sont plus limitées aux transactions financières avec des individus ou des entités spécifiques. Les activités d’import-export et activités sectorielles plus large – telles qu’assurance, réassurance, transport, télécommunications, énergie et tourisme, se trouvent maintenant sous les projecteurs des sanctions. Celles-ci touchent désormais de larges secteurs économiques et ne se résument plus au gel d’avoirs d’entreprises et personnes physiques.

Par ailleurs, on notera que le champ d’application géographique des sanctions de l’UE s’étend à :  •Toutes les activités au sein de l’UE;
•Tout ressortissant d’un État membre à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE
•Toute entreprise juridiquement établie dans un État membre ; et
•Toute personne ou entreprise quant à une activité menée en tout ou partie dans l’UE.

UN LABYRINTHE COMPLEXE DE MESURES EUROPÉENNES ET NATIONALES

Même si les sanctions internationales ont pour base juridique les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et/ou les règlements et décisions adoptés au niveau de UE, un État membre doit in fine prendre des mesures nationale d’application pour que celles-ci soient mises en œuvre. Aussi, des différences d’interprétation, d’administration et de mise en œuvre de certains régimes de sanctions apparaissent inévitablement avec pour résultat des interprétations ou décisions contradictoires de l’UE.

LE DÉFI DE LA CONFORMITÉ

Bien que l’usage de clauses d’exclusion de sanctions et de garanties puisse être utile afin de limiter contractuellement la responsabilité des partenaires commerciaux pour cause de violation de sanctions, ces outils ne peuvent remplacer un audit préalable et la mise en place de mesures de vérifications nécessaires afin de limiter tout risque de violation. Les évolutions politiques récentes ont rendu les gouvernements rigoureux dans la mise en œuvre de mesures nationales et internationales concernant les destinations sous embargo ou le commerce de biens militaires et à double usage soumis à des contrôles à l’exportation.

a. Que rechercher ?

Les facteurs suivants sont essentiels pour évaluer dans quelle mesure les sanctions et contrôles à l’exportation sont applicables aux activités commerciales d’une entreprise : •Le type de marchandises, équipements ou services concernés (e.g., peuvent-ils avoir une application militaire ?)
•L’identité des parties impliquées dans telle vente / fourniture de biens ou services (e.g., une des parties fait-elle l’objet de sanctions ?)
•La localisation ou l’origine des marchandises ou équipements (e.g., les marchandises proviennent-elles de Syrie, Iran, Russie, Cuba, Soudan ou autre pays sensible)
•Les destinations (incluant les destinations de tout intermédiaire) de telles marchandises ou équipements (e.g., l’intermédiaire commerce-t-il avec des pays sensibles ?)
•L’usage prévu des marchandises ou équipements et toute spécificité ou modification des marchandises ou équipements (e.g., les marchandises sont-elles susceptibles d’être incorporées à une technologie militaire ou à doudle-usage ?) ; et
•L’identité de tout intermédiaire impliqué dans la manutention des marchandises ou équipements concernés (e.g. y-a-t-il un intermédiaire qui soit l’objet de sanctions européennes ou américaine ?) 
 

b. Que faire ?

Pour ajouter plus de complexité, les mesures de sanctions européennes n’imposent généralement pas de mesures et procédures spécifiques de conformité. Il est de la responsabilité des personnes et des entreprises de se conformer aux règles et de s’assurer que leurs activités commerciales ne contreviennent pas aux interdictions en perpétuelle évolution.

La difficulté s’accentue dans la mesure où les attentes en termes de conformité diffèrent selon le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise.

Alors que l’UE n’impose pas de standards de conformité il y a cependant des règles à suivre pour toute entreprise opérant dans un contexte international, particulièrement quand des mesures restrictives (i.e. sanctions) s’appliquent. Cela inclut : •Estimer le besoin de licence, autorisation ou notification AVANT l’envoi d’une quelconque marchandise, logiciel ou technologie hors de l’UE ;
•Se renseigner sur ses partenaires commerciaux pour s’assurer qu’ils ne sont pas associés à une personne ou entité sanctionnée et conserver une trace des vérifications faites ;
•Inclure une formule relative aux sanctions dans les contrats et/ou conditions, afin d’atténuer toute responsabilité pouvant survenir lors de l’exécution du contrat ;
•Mettre en place des vérifications et des procédures d’audit dans le cadre de programmes globaux de conformité commerciales correspondant aux meilleures pratiques du secteur ; et 
•Observer la situation géopolitique et le développement des listes de sanctions et adopter les nouvelles prescriptions dès l’entrée en vigueur des règles.

PERSPECTIVES POUR 2015

                                                                                                                                                 
En 2014, le développement des politiques de sanctions a été marqué par l’escalade du conflit dans l’est de l’Ukraine, menant à l’adoption par l’UE d’un large panel de mesures restrictives avec pour cible la coopération et les échanges sectoriels avec la Fédération de Russie.

Pour la première fois, les mesures de sanctions de l’UE incluent non seulement des mesures de sanctions traditionnelles (y compris embargo sur le commerce des armes, interdiction d’exporter des biens à double usage pour des usages et utilisateurs finaux militaires et des restrictions d’accès à certaines technologies sensibles, notamment dans le secteur pétrolier) mais aussi un ensemble de mesures visant à limiter l’accès des marchés financiers de l’UE pour les institutions financières détenues par l’État russe.

L’impact de telles restrictions sur le marché européen est sans précédent, et de nombreuses entreprises européennes se trouvent confrontées au défi de devoir naviguer au sein d’un ensemble de règles sophistiquées, sans réel guide de la part de l’UE ou des régulateurs nationaux. Alors que les tensions dans l’est de l’Ukraine atteignent des sommets, l’UE a d’ores et déjà annoncé que de nouveaux travaux seront entrepris en vue de « toute action appropriée, visant à assurer une rapide et complète mise en œuvre des accords de Minsk ». En d’autres termes, l’UE pourrait envisager l’extension des mesures existantes voire l’adoption de nouvelles restrictions sectorielles si la situation se détériore sur le terrain.

Soyez attentifs, car nous voici embarqués pour une nouvelle traversée dans les méandres des sanctions, plus imprévisible que l’ont été les précédentes. 
                                                                                                                                                     
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