(septembre 2015)

« Le ministre sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre et habile.
Léger et court vêtu il allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Veston simple, et souliers plats.
Notre ministre ainsi troussé
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m’est, disait-il, facile,
De plumer des pigeons autour de Matignon:
L’Europe sera bien habile,
Si elle ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable :
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon.
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Le ministre là-dessus saute aussi, transporté.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
Le maitre de ces biens, quittant d’un œil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s’excuser à son pays
En grand danger d’être battu.
Le récit en farce en fut fait ;
On l’appela le Pot au lait.

Quel politique ne bat la campagne ?
Qui ne fait cadeaux sans épargne ?
Picrochole, Pyrrhus, Nicolas, Francois, Stéphane, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner Sarkozy;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant ».

Antoine Adeline (Fantaisie champêtre sur l’air du temps et une malédiction nationale, d’après La Fontaine)
  La politique du pot au lait