Cass. soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444 – P+B+R+I
Depuis 2002, la jurisprudence s’appuie sur les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, selon lesquels l’employeur a l’obligation générale de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », pour en déduire qu’une obligation de sécurité de résultat pèse sur l’employeur vis-à-vis de ses salariés.
Autrement dit, depuis 2002, dès lors qu’une atteinte à la santé d’un salarié était constatée (sous les formes les plus diverses, tels que harcèlement moral, sexuel, maladie professionnelle ou non), la responsabilité de l’employeur était engagée au titre du manquement à son obligation de résultat et ouvrait droit à des dommages et intérêts pour le salarié, quand bien même l’employeur aurait pris des mesures pour la faire cesser.
Le 25 novembre dernier, la Cour de cassation a exonéré l’employeur de sa responsabilité du fait de son obligation de sécurité de résultat, en prenant en considération toutes les mesures nécessaires prises par l’employeur pour éviter le dommage subi par le salarié.
Dans cette affaire, un salarié d’AIR FRANCE, chef de cabine première classe sur les vols longs courriers, en transit à New York le 11 septembre 2001, avait assisté à l’effondrement des tours jumelles depuis sa chambre d’hôtel. Comme tout l’équipage, il avait été accueilli, à son retour de New York par l’ensemble du personnel médical de la compagnie, mobilisé jour et nuit, pour l’orienter éventuellement vers une consultation psychiatrique. Pendant les quatre années ayant suivi ces évènements, le salarié a poursuivi l’accomplissement de ses missions sans difficultés, et a été reconnu apte à 4 reprises par la médecine du travail. Puis, au cours de l’année 2006, il est pris d’une crise de panique qui a donné lieu à un arrêt maladie. Il est licencié en 2011 « pour ne pas s’être présenté à une visite médicale prévue pour qu’il soit statué sur son aptitude à exercer un poste au sol ».
Le salarié demandait, entre autres, des dommages et intérêts pour manquement de la société AIR FRANCE à son obligation de sécurité de résultat.
La chambre sociale de la Cour de cassation le déboute de sa demande en considérant que: « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ».
Autrement dit, le choc post-traumatique subi par le salarié ne saurait automatiquement engager la responsabilité de l’employeur du fait de son obligation de sécurité de résultat, comme cela était jugé jusqu’à présent. L’employeur pourrait ainsi s’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’il aura mis en œuvre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de son salarié.
Même si les faits de cette affaire étaient singuliers, il n’en demeure pas moins que la prise en compte des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés marque une rupture importante par rapport à la jurisprudence de ces dernières années en matière d’obligation de résultat de l’employeur.
La large diffusion promise à cet arrêt, souhaitée par les hauts magistrats, doit encourager les employeurs à poursuivre leurs efforts en matière de prévention des risques, tant au niveau des accidents que des risques psychosociaux, ce qui leur permettra peut-être de s’affranchir de leur responsabilité, y compris dans des cas de harcèlement moral.
Cet article a été écrit par Delphine Monnier