Les affaires ENRON et WORLDCOM ont permis une prise de conscience de la place de la norme comptable dans la gouvernance d’entreprise. Les états comptables sont apparus comme des outils ne permettant pas de prendre en compte avec suffisamment de clarté les risques inhérents à l’activité de certaines entreprises. Il est ainsi apparu que l’annexe des bilans devait faire l’objet d’une attention particulière, afin qu’il devienne un outil de compréhension et de décryptage des données chiffrées.

Parallèlement, une réglementation nouvelle unifiée a progressivement vu le jour pour améliorer le contrôle du management. Des standards comptables ont notamment été adoptés, tels les normes IAS/IFRS, pour tenter de mieux apprécier la santé financière des entreprises.

Le décret n° 2009-267 du 9 mars 2009 s’inscrit dans cette lignée. Publié au Journal Officiel le 11 mars 2009, celui-ci prévoit un renforcement de l’information devant être donnée dans l’annexe concernant les transactions avec les parties liées et les opérations hors bilan. Ce texte contribue aussi à achever la transposition en droit interne de règles issues de la directive européenne n° 2006/46/CE, du 14 juin 2006.

Pour les opérations hors bilan, l’article 1er du nouveau décret retient que les personnes morales doivent désormais mentionner dans l’annexe la nature et l’objectif commercial des opérations non inscrites au bilan. Cette indication doit être faite à deux conditions : si les risques ou les avantages résultant de ces opérations sont significatifs et dans la mesure où la divulgation de ces risques ou avantages est nécessaire pour l’appréciation de la situation financière de la société. Ces informations doivent également être mentionnées dans les comptes consolidés (D., art. 5 alinéa 1er).

Il faut remarquer qu’à l’instar des normes IFRS, le décret français utilise volontairement des notions aux contours souples (« opérations significatives », « nécessaire à l’appréciation de la situation financière »). Un dialogue va donc devoir s’établir entre les personnes en charge de la comptabilité dans l’entreprise et les commissaires aux comptes, sans doute relayé par des normes professionnelles permettant de fixer des contours un peu plus précis, ou de donner des exemples.

Le juriste salue cette acceptation par la comptabilité de concepts souples (certains esprits critiques diront des « concepts mous ») permettant d’appliquer la règle en fonction de l’impact et des risques réels pour l’entreprise. Qu’il soit comptable ou avocat, son rôle sera important comme conseil pour apprécier les modes de mise en œuvre de ces nouvelles règles de droit comptable.

Concernant les transactions passées avec des parties liées (selon l’article 4 du décret, la notion de « partie liée » a le même sens que celui défini par les normes comptables internationales issues du règlement CE n° 2238/2004 de la Commission du 29 décembre 2004, notamment la partie de son annexe IAS 24 intitulée « objet des informations relatives aux parties liées », ainsi que par tout règlement communautaire qui viendrait le modifier.), le décret indique que les sociétés anonymes qui adoptent une présentation comptable simplifiée (en application de l’article L 123-16) doivent mentionner, dans l’annexe, la liste des transactions effectuées entre, d’une part, la société et ses principaux actionnaires et, d’autre part, la société et les membres de ses organes d’administration et de surveillance. Cette contrainte supplémentaire ne s’impose que si ces transactions présentent une importance significative et n’ont pas été conclues aux conditions normales de marché. Le régime sera le même pour les personnes morales ne pouvant adopter une présentation simplifiée de leurs comptes, à ceci près que pour ces dernières, l’annexe doit mentionner les transactions faites avec toutes les parties liées et la société ; alors que pour les sociétés anonymes adoptant une présentation comptable simplifiée, seules les transactions faites avec certaines parties liées doivent être indiquées. Dans les comptes consolidés, une information comparable sera requise pour les transactions significatives externes au groupe consolidé (D., art. 5 al. 2).

Il faut noter ici la référence à la notion juridique de convention courante conclue à des conditions normales, utilisée pour distinguer les conventions réglementées devant être autorisées de celles qui n’ont pas besoin de l’être. La mise en cohérence est importante.

Ce nouveau dispositif, qui permet de mentionner dans l’annexe la liste des transactions entre la société et des parties liées, est un moyen supplémentaire de contrôler la bonne gouvernance des entreprises. Il complète la législation en matière de conventions réglementées et de parachutes dorés, qui existe déjà de longue date en droit des sociétés.

Grâce au décret, ces différents accords feront l’objet d’une publicité dont ils ne disposaient pas vraiment auparavant. Pour savoir avec plus de précision quels seront les engagements concernés, il faudra attendre le règlement du Comité de la réglementation comptable, lequel définira utilement les termes « principaux actionnaires » et « importance significative » utilisés par le nouveau décret.

Plus globalement, ce décret du 9 mars 2009 s’inscrit dans le mouvement de « moralisation » du droit des affaires initié par le gouvernement. Il prend place, notamment, à côté de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, instituant le rapport d’information sur les stock-options et attributions gratuites d’actions et de l’ordonnance n° 2008-1278, du 8 décembre 2008, qui a institué les comités d’audit au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés cotées sur un marché réglementé et des entreprises financières. La gouvernance devient donc progressivement du « droit dur », si l’on peut dire (« dura lex sed lex »)…