La définition même de la fausse déclaration intentionnelle peut interroger. Que convient-il d’entendre par cette expression ? Toute déclaration de l’assuré dont il apparaîtrait, après la souscription de la police d’assurance, qu’elle serait fausse, est-elle susceptible de revêtir la qualification de fausse déclaration au sens de l’article L.113-8 du Code des assurances ?

L’application de la sanction prévue par l’article L.113-8 soulève également des interrogations. Cet article dispose que la sanction applicable, en cas de fausse déclaration intentionnelle, est la nullité du contrat. Or « la rétroactivité qui s’attache au prononcé de la nullité devrait emporter effacement de tous les effets produits par la police depuis sa conclusion »[1]. Qu’en est-il lorsque le contrat a été exécuté ? Lorsque des primes ont été versées par l’assuré ? L’effet rétroactif attaché à la nullité a-t-il vocation à s’appliquer ?

Ce sont sur ces deux aspects de la fausse déclaration intentionnelle que la première chambre civile et la Chambre criminelle de la Cour de cassation se sont penchées récemment.
 

1. La fausse déclaration intentionnelle s’apprécie uniquement par rapport au questionnaire rempli par l’assuré lors de la souscription

Cass. Civ. 2 5 février 2015, n°13-28538

Tel est le principe que nous pouvons retenir d’un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 5 février dernier.

Cette première espèce concernait un automobiliste qui avait déclaré, lors de la souscription de la police, ne pas avoir fait l’objet de sanctions au cours des trente-six derniers mois pour des faits en relation avec la conduite d’un véhicule.

Un accident survient impliquant l’assuré. La compagnie d’assurance découvre dans ce cadre qu’il avait fait l’objet, trois semaines avant la souscription de la police, d’une peine de suspension de permis d’une durée de six mois. Il avait donc « signé le contrat alors qu’il ne disposait plus de permis de conduire ».

La compagnie d’assurance a opposé un refus de garantie sur le fondement de l’article L.113-8 faisant valoir que son assuré avait fait une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription de la police d’assurance.

Petit bémol, et non des moindre : la compagnie d’assurance se trouvait dans l’incapacité de pouvoir communiquer le questionnaire rempli par « l’assuré » lors de la souscription comme le prévoit l’article L.113-2-2° du code des assurances aux termes duquel l’assuré s’oblige à « répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ».

Il était soutenu que figurait dans les conditions particulières signées par l’assuré la mention selon laquelle il disposait du permis de conduire.

La cour d’appel a considéré que l’absence de production du questionnaire par l’assureur est était inopérant. Elle relève en effet i) que la déclaration avait été faite par l’assuré en personne lors de la signature des conditions particulières, ii) que les réponses apportées par l’assuré ne pouvaient être considérées comme des réponses type de toute assuré et, enfin, iii) que la « mention apparaissait de manière extrêmement claire dans le document contractuel de sorte qu’elle ne pouvait échapper » à l’assuré.

Sur le fondement de ces éléments la Cour d’appel a constaté que la fausse déclaration intentionnelle était caractérisée.

Cette approche très circonstanciée de la Cour d’appel n’est pas suivie par la Cour de cassation qui casse l’arrêt au visa des articles L.113-2-2°, L.112-3 et L.113-8 du code des assurances.

Ce faisant la première chambre civile s’inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la Chambre mixte dans un arrêt du 7 février 2014[2] dont elle a repris l’attendu de principe : « l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l’interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier les risques qu’il prend en charge ; qu’il en résulte des deux autres que l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées aux dites questions ».

Il en ressort que la fausse déclaration de l’assuré ne peut s’apprécier que par rapport au questionnaire rempli lors de la souscription, peu importe, comme en l’espèce, que le caractère frauduleux de la déclaration ait pu être caractérisé par le biais d’un faisceau d’indices. La position de la Cour de cassation est sans équivoque : la fausse déclaration intentionnelle s’apprécie uniquement par rapport au questionnaire rempli par l’assuré lors de la conclusion du contrat d’assurance. En l’absence de questionnaire, l’assureur ne peut fonder un refus de garantie fondé sur la nullité de l’article L.113-8 du Code des assurances.
 

2. L’absence d’effet rétroactif de la nullité prévue à l’article L.113-8 du Code des assurances

Cass. crim 2 décembre 2014, n°14-80.933

La seconde espèce portée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation en décembre dernier portait sur l’étendue de la nullité de l’article L.113-8 sanctionnant la fausse déclaration intentionnelle. La nullité suppose un effet rétroactif puisqu’elle « consiste en l’anéantissement de l’acte »[3] . La question s’est ainsi posée de savoir si l’effet rétroactif de la nullité avait vocation à s’appliquer ou si, au contraire, l’annulation du contrat ne pouvait produire d’effet que postérieurement à la fausse déclaration de l’assuré.

Par un arrêt du 2 décembre 2014, la chambre criminelle a précisé le régime de la nullité de l’article L.113-8 du Code des assurances en considérant que les effets de la faute intentionnelle commise par l’assuré ne pouvaient valoir que postérieurement à la date de la fausse déclaration.

Dans cette espèce, le souscripteur de la police d’assurance s’était déclaré, lors de la signature d’avenants à ses contrats d’assurance automobile, conducteur principal de ses véhicules.

Deux accidents sont survenus, l’un avant la souscription des avenants, et l’autre postérieurement. C’est dans ce cadre qu’il a été mis en évidence que le conducteur principal de l’un des deux véhicules assurés, n’était pas le souscripteur mais son fils.

La compagnie d’assurance a alors opposé un refus de garantie fondé sur la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré sur la personne du conducteur principal, ce qui avait pour effet de modifier l’appréciation du risque par l’assureur.

La compagnie d’assurance a obtenu gain de cause sur ce fondement en première instance en ce qui concernait le refus de prise en charge du second accident survenu postérieurement à la signature des avenants. Elle était, en revanche, déboutée s’agissant du refus de prise en charge du premier accident survenu avant la régularisation des avenants.

En appel, la compagnie d’assurance invoquait de nouveau l’argument de la nullité du contrat d’assurance pour justifier un refus de garantie concernant la prise en charge des conséquences du premier accident.

La Cour d’appel la déboute au motif que la nullité prévue à l’article L.113-8 du Code des assurances n’est pas une « nullité traditionnelle » et qu’un effet rétroactif sur l’intégralité du contrat serait sans fondement.

Un pourvoi est formé par l’assureur notamment en raison de la violation de l’article L.113-8 du Code des assurances. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « la nullité du contrat d’assurance n’a pris effet qu’à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu’elle sanctionne ».

Ainsi, si le terme nullité employé à l’article L.113-8 du code des assurances pourrait laisser supposer que l’effet rétroactif qui y est attaché remonterait à la date de souscription initiale du contrat d’assurance, tel n’est pas le cas puisque la Cour de cassation en limite les effets à compter de la date de la fausse déclaration intentionnelle.

Contact : anne-sophie.allouis@squirepb.com    


[1] M. Ausselain, L’essentiel du droit des assurances, n°1, janvier 2015 [2] Arrêt n°277, RG n°12-85.107. [3] G. Cornu, Vocabulaire juridique. PUF