Une récente décision du Conseil des prud’hommes de Paris a fait l’objet de nombreux commentaires dans la presse. Le 8 février 2013, Madame Marilyn Moureau, qui travaillait pour un call center (plateforme téléphonique), a obtenu la requalification de la fin de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels de salaire.

La particularité de cette décision réside dans le fait que Madame Moureau n’était pas, suivant l’expression du conseil des prud’hommes, « une salarié comme les autres ». En effet, elle purge actuellement une peine de huit ans de prison à la maison d’arrêt de Versailles pour avoir poignardé son compagnon violent en 2010. 

Pendant sa détention, Madame Moureau a travaillé comme téléopératrice pour le compte la plate-forme téléphonique MKT Societal. Cependant, lorsque la société s’est rendu compte qu’elle avait passé des appels d’ordre privé durant ses heures de travail, elle a été « déclassée » et suspendue de ses fonctions. Madame Moureau a alors engagé une action judiciaire contre la société MKT Societal afin d’obtenir des rappels de salaire et la requalification de la cessation de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les détenus ont la possibilité de travailler en prison sous certaines conditions définies par décret. Les articles 717-3 et D103 du Code de procédure pénale disposent clairement que «les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail» entre le détenu et l’État. Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de cassation a considéré en 1996 qu’un conseil des prud’hommes n’était pas en droit de condamner une maison d’arrêt à des rappels de salaire et d’heures supplémentaires. Dans cette affaire, le détenu soutenait que l’article 717-3 n’était pas conforme à la Constitution dans la mesure où il aboutissait à une inégalité de traitement entre les citoyens. La Cour de cassation a écarté cette argumentation et a rappelé que les conseils de prud’hommes ne sont pas compétents pour procéder à un contrôle de constitutionnalité.

Cependant, la situation de Madame Moureau était différente dans la mesure où son action n’était pas dirigée contre l’administration pénitentiaire mais contre l’entreprise privée pour qui elle travaillait, MKT Societal.

Selon certains commentateurs, cet arrêt serait le premier pas vers une application générale de la législation du travail en prison. Si on ne peut qu’encourager les détenus à travailler pendant leur détention en vue de favoriser leur réinsertion et leur formation et souhaiter que ce travail s’effectue dans de bonnes conditions, l’application générale du droit du travail en prison est une toute autre question.

D’un point de vue pratique, une telle application générale du droit du travail risque de générer des situations particulièrement épineuses : les prisonniers ne pourront, par exemple, jamais bénéficier des avantages liés aux activités sociales et culturelles proposées par les Comités d’entreprise tels que les voyages organisés, les places de spectacles à tarif préférentiel, ou encore les billets coupe-file. Est-ce à dire qu’ils seront discriminés ?

Il s’agit d’une décision de première instance, qui peut donc faire l’objet d’un appel. Cette affaire soulevant des points de droit et des questions pratiques particulièrement intéressants, il convient de prêter attention aux suites qui pourront lui être données.