Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°17-14.232, FS-PB
Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°18-14.414, FS-PB
Par deux arrêts du 3 juillet 2019, la Cour de cassation précise et renforce le formalisme de la rupture conventionnelle. La Cour de cassation avait déjà, en 2013, rappelé l’obligation de remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle dès sa signature (Cass. Soc., 6 février 2013, n°11-27.000).
Dans la première affaire du 3 juillet 2019, sans surprise, la Cour de cassation indique que le formulaire de rupture conventionnelle doit être signé par l’employeur. En effet, seule la remise au salarié d’un exemplaire du formulaire de rupture conventionnelle signé des deux parties permet au salarié d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause et de demander l’homologation de la rupture conventionnelle. Cette solution n’est pas surprenante, l’essence de la rupture conventionnelle résidant dans l’accord des parties, matérialisé par la signature du formulaire, et le point de départ du délai de rétractation étant la date de signature du formulaire par les deux parties.
Dans la deuxième affaire, le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle mentionnait qu’il avait été établi en deux exemplaires mais ne précisait pas qu’un exemplaire avait été effectivement remis à chaque partie. La Cour d’appel, considérant que la remise devait être présumée, avait débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle. Cet argument est écarté par la Cour de cassation : les juges doivent constater qu’un exemplaire de la convention de rupture a été effectivement remis au salarié au regard des éléments de preuve rapportés par l’employeur, la simple mention du nombre d’exemplaires établis étant insuffisante.
La solution aurait-elle été différente si la convention de rupture avait indiqué qu’elle avait été établie en trois exemplaires (un pour le salarié, un pour l’employeur et un pour l’administration) ? Probablement pas, la Cour de cassation écartant toute présomption fondée sur la mention du nombre d’exemplaires.
En conséquence, afin de se ménager une preuve en cas de contentieux, l’employeur devra veiller à conserver la preuve de la remise au salarié du formulaire de rupture conventionnelle, signé des deux parties. Par exemple, le jour de la signature du formulaire de rupture conventionnelle, en trois exemplaires, l’employeur pourra demander au salarié de faire précéder sa signature de la mention manuscrite « je reconnais et confirme qu’un exemplaire original du présent formulaire signé m’est remis ce jour, le [date de signature] ».
Si l’employeur n’a pas pris ces précautions au moment de la signature du formulaire de rupture conventionnelle, il pourra tenter de recourir à d’autres moyens de preuve. Il pourrait par exemple produire l’attestation du représentant de l’employeur qui a signé le formulaire et remis personnellement un exemplaire au salarié. Reste à savoir si ce type de preuve convaincra le juge.
Si l’employeur n’est pas en mesure de fournir cette preuve, la nullité de la rupture conventionnelle est encourue. Pour rappel, en cas de nullité de la rupture conventionnelle, la société peut être condamnée à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
À noter : si l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle est d’un montant supérieur à l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement, le salarié doit en principe restituer la différence à la société.
Rappelons enfin que les litiges portant sur des ruptures conventionnelles sont en pratique assez rares et s’inscrivent souvent dans un contexte de vice du consentement ou de fraude aux règles du licenciement pour motif économique. S’il en était ainsi dans la première affaire du 3 juillet 2019, tel n’était cependant pas le cas dans la seconde affaire, où le salarié n’invoquait aucun vice de consentement et, au contraire, affirmait son réel désir de quitter l’entreprise afin de se consacrer à d’autres projets professionnels, notamment le fait de se faire embaucher par une autre société, dès son départ.
Cet article a été écrit par Marie-Elisabeth George