Cass. crim. 26 janvier 2022, 17-87.359

Le 26 janvier 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui, relatif à l’étendue du secret professionnel, ne manquera pas d’intéresser les avocats, bien sûr, mais surtout les juristes qu’ils assistent.

A l’origine de cet arrêt, des opérations de visite et de saisies diligentées par les agents de l’Autorité de la Concurrence, dans les locaux d’une entreprise suspectée d’avoir participé à un systèmes d’ententes anticoncurrentielles.

Estimant le déroulement des opérations de visite et saisies irrégulier, l’entreprise a formé un recours devant le premier président de la cour d’appel de Paris qui, par ordonnance du 8 novembre 2014, a annulé la saisie de certains documents au motif que ceux-ci, reprenant une stratégie de défense mise en place par un cabinet d’avocats, étaient couverts par le secret professionnel de l’avocat[1].

Décidée à ne pas en rester là, l’Autorité de la concurrence a formé un pourvoi contre cette ordonnance.

Dans la mesure où « le pouvoir reconnu aux agents de l’Autorité de la concurrence par l’article L. 450-4 du code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l’exercice des droits de la défense »[2], se posait la question de savoir si les documents dont la saisie avait été annulée étaient couverts par le secret professionnel.

En effet, en l’espèce, les documents saisis n’émanaient pas d’un avocat et n’étaient pas non plus destinés à un avocat : il s’agissait de courriels échangés entre les juristes de l’entreprise.  Or, l’article 66-5 alinéa 1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit que le secret professionnel couvre « […] les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, […] ». La définition paraît donc s’attacher à la qualité de l’auteur des documents, davantage qu’à la nature de leur contenu.

La Cour de cassation approuve pourtant le premier président d’avoir annulé la saisie des documents litigieux, estimant qu’il a valablement justifié sa décision en constatant « que les données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat, et contenues dans les documents saisis, en constituaient l’objet essentiel ».

Cette vision extensive du secret professionnel assure une protection accrue du justiciable dans son recours à l’avocat, et s’inscrit à rebours d’une actualité législative menaçante pour le secret professionnel. Rappelons à cet égard que l’article 3 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit l’inopposabilité du secret professionnel concernant certaines infractions pénales.

A noter enfin, que dans le cadre du nouveau dispositif de contestation des saisies (futur article 56-1-1 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er mars 2022[3]), une personne faisant l’objet d’une opération de saisie peut s’opposer à la saisie des documents couverts par le secret professionnel. Cette décision devrait donc permettre aux juristes d’une entreprise contrôlée de mieux apprécier l’étendue des documents dont ils pourront contester la saisie.

Article co-écrit par Stéphanie Simon et Camille Cretin

[1] Paris, 8 novembre 2017, n° 14/13384, Dalloz actualité, 19 déc. 2017, obs. G. Deharo ; AJ pénal 2018. 49, obs. C. Mayoux ; D. avocats 2018. 74, obs. M. Bénichou.

[2] Cass. Crim. 24 avril 2013, décision n° 12-80.331

[3] Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, art. 3, 3°