En 1982 « Mille milliards de dollars », c’était un film d’Henri Verneuil. Patrick Dewaere jouait le rôle d’un journaliste qui découvre le pot aux roses d‘un gigantesque scandale politico-financier. Aujourd’hui, c’est à peu de chose près (nous ne sommes plus à quelques centaines de milliards près), le prix du plan de sauvetage de la finance américaine. Le banquet/ier est fini, il faut payer l’addition.

L‘affaire Tapie, le baril de pétrole à 120 dollars, le fichier Edvige, le grand show politico-sportif des JO de Pékin, la reprise de la guerre froide en Georgie, la dangereuse « vietnamisation » du conflit afghan, le sang versé par les soldats français, toutes les « unes » d’un été particulièrement riche sont ravalées au rang de vulgaires faits divers. Je n’ose même pas parler de l’actualité juridique tant la commémoration du 50ème anniversaire de la Constitution de la Vème République (4 octobre 1958) fut discrète pour ne pas dire fantomatique.

L’urgence est ailleurs. Wall Street est en feu. Ironie de l’histoire, c’est un gouvernement républicain notoirement libéral qui va devoir assumer le sauvetage du système financier par une nationalisation, sinon des banques, du moins des pertes. Le FMI et Dominique Strauss Khan vont avoir du pain sur la planche à billets. On croise les doigts ; François Mitterrand avait bien essayé, à partir de 1983, de réconcilier les Français avec l’économie de marché. Devant l’ampleur du désastre économico-financier, tout le monde est désemparé. Le spectre de 1929 et du jeudi noir est de retour et les… raisons de la colère ne manquent pas.

Les économistes, ce n’est pas un scoop, sont impuissants (l’humoriste rappelle qu’ils savent analyser 500 façons de faire l’amour mais n’ont jamais connu une femme). Certains deviseront gravement sur les cycles de Léontief, d’autres se risqueront à quelques prédictions hardies : « c’est une question de confiance (sic) !», « Il n’est pas impossible que la situation commence à s’améliorer après le vote du plan de sauvetage américain … », « Ce n’est pas la fin, ce n’est pas le début de la fin, mais c’est peut être la fin du début … de la crise… ».

Les politiques, après avoir nié l’évidence de la gravité de la crise des subprimes pendant des mois et tenté d’exorciser par la méthode Coué le fantôme de la récession (Christine Lagarde), n’ont plus qu’une seule carte à jouer, celle de « l’union sacrée », qu’elle soit hexagonale (François Fillon) ou européenne (Nicolas Sarkozy). Mais il n’est pas sûr qu’avec un brelan de neuf, on pourra jouer bien longtemps dans le casino de la finance mondiale, surtout quand la banque a sauté. Où est le plan « B » ? Contre le veau d’or nous avons le vaudou et les incantations façon « S égo Wonder » sur fond de « fraternitude ». A plus long terme il sera toujours temps de réchauffer le réalisme de gauche (de l’ouest ou du levant), de réfléchir sur une gouvernance new look, la transition vers un nouveau social libéralisme, ou l’inverse ; on inventera le capitalisme à visage humain, que sais je ?

Le beau rôle dans cette partie délicate échoit aux néo moralistes tendance casuistes, qui devisent sur les excès du libéralisme financier, les profits faciles, l’argent sale. Le doré n’est plus à la mode et l’économie réelle ne doit pas être confondue avec l’autre devenue infréquentable. De l’utilité des fables et des paraboles, le bon et le mauvais riche, « Qu’as-tu fais de ton talent ? ». La théologie au secours de l’économie ! En moins jésuite et plus drôle, deux classiques : « Les affaires, c’est l’argent des autres » (Dumas), « L’argent est plus utile que la pauvreté, ne serait-ce que pour des questions financières » (Woody Allen).

Au grand bal des hypocrites, tout le monde s’est invité mais personne n’est vraiment à l’aise. Les « anti tout » et « alter moralistes » de tous poils auraient tort de se gargariser des déboires du libéralisme. Jusqu’à preuve du contraire, c’est dans une large mesure l’impôt sur les sociétés et la TVA de la société de consommation qui financent l’état providence. Ils sont peu nombreux les Diogène et les Franciscains (tendance Fraticelles) capables de jeter la première pierre sans honte et arrières pensées.

Quelques lignes de Zola rappelleront que la marge de manœuvre pour reconstruire une nouvelle économie plus saine et une gouvernance souple, intelligente et mesurée (une petite main habile et visible ?!) est bien étroite : « Avec la rémunération légitime et médiocre du travail, le sage équilibre des transactions quotidiennes, c’est un désert d’une platitude extrême que l’existence… Faites flamber un rêve d’horizons, promettez qu’avec un sou on en gagnera cent, offrez à tous ces endormis de se mettre à la chasse de l’impossible, des millions conquis en deux heures, au milieu des plus effroyables casse-cous. Et la course commence, les énergies sont décuplées… » (« L’argent » 1891). Parlez-en aux Russes ou aux Chinois. Mais à l’échelle d’une planète où 2 milliards d’humains vivent dans une misère extrême, nos angoisses occidentales ne sont-elles pas dérisoires, voire obscènes ? Bref, pas facile de faire passer les bons chameaux par le chas des bonnes aiguilles.

Samedi dernier Paul Newman nous a quittés. Des hommages unanimes ont salué l’acteur, le sportif, l’homme honorable et le père comblé : 1 fils, 5 filles, 62 films. J’en retiens trois qui jalonnent une belle carrière: « L’arnaqueur » (1961), « L’arnarque » (1973) et « La couleur de l’argent » (1986). On trouve dans cet opus mineur de Martin Scorsese une morale peu morale, à l’image de la crise des subprimes : « Money won is twice as sweet as money earned ». Eddie Felson dit « Fast Eddie » (joué par Paul Newman) n’est pas un trader mais un champion de billard professionnel sur le retour… L’argent est peut être sucré mais il n’a pas d’honneur… euh… non, d’odeur !

Un plaidoyer « pro domo » pour conclure. Dans les périodes de turbulences et d’incertitudes, de bons conseils et un soutien juridique sont essentiels et vous éviteront bien des soucis. Nos équipes restent plus que jamais à votre écoute et à votre disposition.