Cass. com. 3 mai 2016, n°14-24905

Par décision en date du 3 mai 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que l’action en concurrence déloyale n’était pas soumise à la condition de concurrence directe et effective entre les parties à l’action lorsqu’il s’agit d’usurpation de référence de l’une par l’autre.

Les faits

L’ancien directeur de la société Benedetti-Guelpa, une société spécialisée dans la conception et la construction de golfs, dont il avait été licencié, a créé Golf Optimum, une société ayant pour activité l’étude, la conception, la réalisation, l’exploitation et la gestion de parcours de golf. Sur son site internet, la société Golf Optimum a fait état de réalisation de parcours de golf, parcours en réalité conçus par la société Benedetti-Guelpa. La société Benedetti-Guelpa a assigné la société Golf Optimum ainsi que son gérant pour références mensongères et a demandé le paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

La position des juges du fond

Les juges de première instance ont fait droit aux demandes de la société Benedetti-Guelpa en constatant que la société Golf Optimum ainsi que son gérant avaient commis de actes de concurrence déloyale au préjudice du demandeur, et les ont condamnés solidairement, sous astreinte, à retirer de leur site internet toutes les références aux golfs conçus par la société Benedetti-Guelpa.

Cette décision a été infirmée par la Cour d’appel de Grenoble, au motif que le demandeur n’établissait pas que les défendeurs agissaient sur le même segment d’activité et exerçaient une activité identique, et que faute de démontrer être sur le même segment d’activité, l’action en concurrence déloyale ne pouvait être fondée.[1]

L’arrêt de la Cour de cassation

La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel de Grenoble au terme de l’attendu suivant : « Attendu qu’une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés considérées n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice ».
La Chambre commerciale considère que la Cour d’appel, en ajoutant à l’action en concurrence déloyale une condition qui n’était pas prévue par la loi, a violé l’article 1382 du code Civil.
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Il s’agit là de la confirmation de la jurisprudence sur le parasitisme qui est l’un des aspects de la concurrence déloyale. Depuis le début des années 1990, la jurisprudence a en effet constamment admis, face à la diversité des agissements concurrents déloyaux, que certains d’entre eux relevaient d’une catégorie particulière, « le parasitisme », caractérisé par l’immixtion d’un acteur économique dans le sillage d’un autre acteur économique afin de tirer profit, sans rien dépenser, de son savoir-faire, ses idées, sa réputation etc. Il ne s’agit pas tant de faire concurrence de façon déloyale à une autre entreprise ou de créer une confusion entre deux entreprises que de bénéficier sans contrepartie des investissements d’autrui. Cette notion jurisprudentielle permet notamment aux juges de sanctionner une entreprise, qui bien qu’exerçant dans un domaine différent et en dehors de toute situation de concurrence directe avec une entreprise tierce, tire indûment profit des investissements et efforts de cette dernière.
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[1] CA de Grenoble, 12 juin 2014