Depuis un arrêt fondateur rendu le 24 février 2003 par la chambre mixte de la Cour de cassation[1], l’engagement d’une procédure judiciaire en méconnaissance d’une clause de conciliation préalable constitue une fin de non-recevoir entraînant l’irrecevabilité du recours.

Cette fin de non-recevoir ne peut faire l’objet d’une quelconque régularisation par la mise en œuvre de la clause prévoyant la procédure amiable en cours d’instance[2].

La question s’est néanmoins posée s’agissant de l’articulation entre une clause instaurant une procédure amiable préalable et la formulation d’une demande reconventionnelle par la partie défenderesse.

Deux arrêts récents de la Cour de cassation, publiés au bulletin, répondent à cette question.

L’arrêt de la chambre commerciale du 24 mai 2017

Cass. Com., 24 mai 2017, n°15-25.457

À la suite d’un désaccord, une société avait mis en œuvre la clause de médiation. La médiation ayant échoué, cette société avait assigné son cocontractant en paiement de certaines sommes. En réplique, la société défenderesse avait formulé une demande reconventionnelle tendant à la résiliation du contrat pour des motifs non évoqués dans le cadre de la médiation.

Cette affaire a donné à la Cour de cassation l’opportunité de poser le principe selon lequel : « la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge ».

La solution ainsi dégagée tenait sans nul doute à l’existence d’un seul contrat, dont l’exécution avait fait l’objet d’une discussion dans le cadre d’une procédure de médiation.

L’arrêt de la chambre commerciale du 30 mai 2018

Cass. Com., 30 mai 2018, n°16-26.403

Se prévalant de l’existence d’un ensemble contractuel, le défendeur ayant formulé une demande reconventionnelle invitait la Cour de cassation à appliquer sa jurisprudence du 24 mai 2017 alors que les demandes initiale et reconventionnelle dans cette affaire portaient sur deux contrats distincts.

Les deux sociétés avaient, en effet, conclu (i) un contrat portant sur la cession d’une branche d’activité de l’une d’elles, puis (ii) une convention de prestation de services qui contenait une clause de conciliation.

La société cessionnaire avait engagé une action judiciaire aux fins d’annulation de la cession, objet du premier contrat. En réponse, la défenderesse a formé une demande reconventionnelle afin d’obtenir une indemnité en exécution du second contrat (la convention de prestation de services).

Considérant que « même en présence de plusieurs conventions s’inscrivant toutes dans le cadre de la cession d’une branche d’activité de la société [cédante], il était loisible aux parties de stipuler […] ce préalable de conciliation, lequel [devait] être respecté », la cour d’appel avait prononcé l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle[3].

Devant la Cour de cassation, la société cédante soutenait que la convention de prestation de services s’inscrivant dans le cadre du contrat de cession, il existait une unité contractuelle empêchant la société cessionnaire de se prévaloir de cette clause de conciliation préalable.

Cet argument n’emporte pas la conviction de la Cour de cassation qui a retenu que « le contrat de prestation de services, qui fondait la demande reconventionnelle de la société [cédante], contenait, à la différence du contrat de cession faisant l’objet de la demande principale de la société [cessionnaire], une clause de conciliation préalable ».

Et de conclure que « la demande reconventionnelle devait être précédée d’une tentative de conciliation ».

Conclusion

C’est ainsi de manière cohérente que la Cour de cassation pose donc une limite à l’unité contractuelle. Cette position devrait également permettre aux parties de discuter en dehors des prétoires autant que faire se peut.

Contact : stephanie.simon@squirepb.com

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[1] Cass. Ch. Mixte, 14/02/2003, n°00-19.423
[2] Cass. Ch. Mixte, 12/02/2014, n°13-19.684
[3] CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 23/09/2016, n°13/14475