Cass. Soc. 29 octobre 2014 n° 13-18.173

Un salarié engagé en novembre 2009 a été licencié pour faute grave en mai 2010 en raison de téléchargements illégaux et répétitifs. Condamné au paiement de 5.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif outre 1.000 € de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, l’employeur s’est pourvu en cassation.
 
Dans un arrêt du 29 octobre 2014 n° 13-18.173, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait jugé à bon droit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et avait légalement justifié sa décision au motif qu’elle  « a relevé que le salarié avait été contraint de quitter brutalement son emploi pour des faits qualifiés par l’employeur d’illégaux et répétitifs, dont la preuve n’était pas faite [et qu’elle avait] ainsi fait ressortir que l’employeur avait, en raison des circonstances vexatoires qui avaient accompagné le licenciement, commis une faute ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ».
 
En l’espèce, la lettre de licenciement visait exclusivement les « téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l’entreprise ».
 
L’employeur devait donc démontrer que le salarié avait effectué les téléchargements, que ces derniers étaient illégaux et qu’il s’y était employé à plusieurs reprises.
 
Or, l’employeur avait produit « un relevé de connexions réalisé le 3 mai 2010 sur l’adresse IP 10.6.18.29 sur lequel ne figure qu’une seule visite sur le site allotracker.com entre 14h43mn19s t 14h45mn57 soit 2minutes30 » et des éléments établissant « la recherche sur Google de sites de jeux et la connexion à jeux-vidéo.com qui n’est pas un site de téléchargement [et l’existence] de nombreuses connexions dans la journée à des sites tels que facebook, meetic-partners, l’équipe ou footmercato ».
 
Considérant que la lettre de licenciement ne visait ni l’usage non professionnel d’internet pendant le temps de travail ni la connexion à des sites « permettant » le téléchargement illégal, mais seulement l’existence de téléchargements illicites et réitérés, les juges du fond ont, à bon droit selon la chambre sociale, considéré que la démonstration faite par l’employeur était «  hors sujet ». En effet, elle portait sur l’existence de connexion à un site permettant des téléchargements et non sur l’action même des téléchargements reprochés. Les éléments communiqués ne faisaient donc état que de consultation de pages Internet mais ne prouvaient pas les téléchargements illicites et réitérés en tant que tels.
 
Rappelons que la lettre de licenciement fixe les limites du litige (L. 1232-6 du Code du travail – Cass. soc. 2 mars 1999 n° 96-44.358 – Cass. soc. 27 février 2008 n°06-44.867). En cas de contestation du licenciement devant une juridiction, l’employeur ne peut pas invoquer d’autres faits, même s’ils justifient la décision qu’il a prise.
 
La Cour de cassation rappelle ici que les faits invoqués par l’employeur dans la lettre de rupture sont en outre entendus de manière stricte et non extensive.
 
Cette règle ne s’applique pas au salarié qui peut, pour contester que les motifs allégués par son employeur pour le licencier, mettre en exergue d’autres faits qui, selon lui, sont la véritable cause de son licenciement.
 
Il est donc capital de viser de manière « suffisamment précise pour être vérifiable » les reproches faits au salarié de manière à pouvoir, en cas de litige, utilement en débattre devant le juge.