Cass. Civ. 1, 28 mars 2013, n° 11-27.770 (Pirelli c/ Licensing Projects)

Dans un arrêt du 28 mars 2013, la Cour de cassation vient clarifier l’articulation entre les procédures collectives et le droit de l’arbitrage.

Une société italienne qui avait concédé une licence exclusive de marque à une société espagnole. À la suite d’un différend entre les parties, le contrat avait été résilié par la société italienne. La société espagnole avait ensuite été placée en procédure d’insolvabilité puis en liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de Barcelone. Au cours de cette procédure, la société italienne a mis en œuvre la clause d’arbitrage sous l’égide de la CCI, stipulée au contrat.

Le tribunal arbitral a retenu sa compétence au motif que la loi espagnole sur la faillite ne faisait pas obstacle aux effets de la clause compromissoire en cas de procédure collective dans le cadre d’un arbitrage international. En outre, en application du Règlement d’arbitrage (Sous l’égide du Règlement de 1998.), la CCI a écarté les demandes reconventionnelles formées par la société espagnole faute de paiement des provisions pour frais en raison de son insolvabilité.

En 2011, la Cour d’appel de Paris a annulé la sentence arbitrale pour atteinte au droit d’accès à la justice et au principe d’égalité entre les parties du fait de la privation, jugée disproportionnée, pour la société espagnole de présenter des prétentions, et ce, même au cours d’une procédure ultérieure (CA Paris, 17 novembre 2011, Licensing Projects c/ Pirelli).

Par son arrêt du 28 mars 2013, la Cour de cassation casse, pour défaut de base légale aux termes des articles 1520 5° et 455 du Code de procédure Civile, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et retient que « si le refus par le tribunal arbitral d’examiner les demandes reconventionnelles peut être de nature à porter atteinte au droit d’accès à la justice et au principe d’égalité entre les parties, c’est à la condition que celles-ci soient indissociables des demandes principales ».

En effet, si la liquidation judiciaire ne fait pas disparaitre la clause compromissoire, la question de la participation d’une partie impécunieuse, et de surcroit en liquidation judiciaire, est une question sensible qui est traitée de manière différente selon les juridictions. En Allemagne, par exemple, la solution est radicale et heurte le principe d’autonomie de la volonté. Le juge allemand considère en effet que l’insolvabilité rend la convention d’arbitrage inexécutable.

Par cet arrêt, la Cour de cassation clarifie la position française. Bien qu’elle infléchisse le principe d’autonomie de la volonté en présence d’une partie insolvable, la Cour de cassation adopte une position plus mesurée et plus flexible que son voisin rhénan. En revanche, la Cour de cassation remet indirectement en cause l’application du règlement d’arbitrage, créant ainsi une certaine insécurité juridique quant à la participation de parties impécunieuses à des procédures d’arbitrage sous l’égide de la CCI. [1]  
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[1] Cette procédure a été diligentée sous l’égide du Règlement de 1998 de la CCI