Cass. civ. 1ère, 18 décembre 2014 n°14-11085
Dans un contexte où la transparence est le mot d’ordre, la question de l’indépendance de l’arbitre et ses conséquences se retrouve à nouveau au centre des débats.
Si le principe de l’obligation de révélation posé par l’article 1456 du Code de procédure civile, aux termes duquel « il appartient à l’arbitre, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité », a l’air simple, comme toujours en pratique, il pose de nombreuses difficultés.
En effet, les acteurs de l’arbitrage, qu’ils soient arbitres ou conseils, ont pu se côtoyer dans divers cercles professionnels, voire privés. La frontière entre l’indépendance et la partialité de l’arbitre peut alors parfois être ténue.
L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 18 décembre 2014 met en lumière les relations pouvant exister entre l’arbitre et le conseil dans une procédure arbitrale qui tombe sous le coup de l’obligation de révélation. La Cour précise également dans quelle mesure le défaut de communication de certaines relations dans sa déclaration d’indépendance peut remettre en cause l’indépendance de l’arbitre et avoir pour conséquence l’annulation de la sentence arbitrale.
En l’espèce, l’arbitre (bien qu’il ait reconnu connaitre le conseil en question) avait dissimulé dans sa déclaration qu’il siégeait à ses côtés au sein du conseil d’administration d’une association, que le cabinet du conseil étaient également son partenaire par le biais d’une autre association, et que l’avocat intervenait en tant que conseil pour une fédération dans laquelle l’arbitre était délégué général.
En principe, la « prescription » du droit de récusation de l’arbitre par une partie ne peut jouer que si cette partie s’était abstenue d’exercer son droit en toute connaissance de cause, c’est-à-dire si, alors qu’elle avait tous les éléments permettant de remettre en cause l’indépendance de l’arbitre au moment de sa sélection par la partie adverse, elles ne l’a pas soulevé à ce moment-là et avait ainsi renoncé à son droit de manière éclairée.[1]
C’est précisément cela qui a justifié la recevabilité de la demande d’annulation de la sentence sur le fondement d’une composition irrégulière du tribunal.
La Cour a en effet retenu que compte tenu des relations qui existaient entre l’arbitre et le conseil en question, la déclaration revêtait « un caractère délibérément tronqué et réducteur » dès lors que « les liens professionnels étroits entre l’arbitre et l’avocat […] étaient de nature à créer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et l’indépendance de l’arbitre ».
Ainsi, la partie qui pouvait exercer son droit à récusation n’avait aucune raison de remettre en cause l’indépendance de l’arbitre lors de sa désignation, « dès lors que des éléments importants manquaient dans la déclaration de l’arbitre ». La Cour a ainsi considéré qu’elle « n’avait pas renoncé à contester la régularité de la composition du tribunal arbitral ».
Cette décision ne signifie pas pour autant que toute relation, en particulier dans un cercle restreint d’acteurs, soit de nature à remettre en cause l’indépendance de l’arbitre. En effet, la Cour de cassation avait par exemple en 2012 cassé un arrêt qui avait annulé une sentence aux motifs que l’arbitre n’avait pas déclaré avoir travaillé en tant qu’avocat « of counsel » du cabinet qui l’avait sélectionné et qui lui avait par la suite fait quelques consultations juridiques car ces relations professionnelles dataient de 9 ans avant la procédure arbitrale en cause.[2]
L’appréciation et le contrôle de l’impartialité et de l’indépendance s’effectue au cas par cas, avec une considération particulière et déterminante de la proximité temporelle des relations professionnelles et/ou personnelles entre les parties concernées. La demande formulée hors délai de récusation devra tout de même se fonder sur des « éléments importants » ayant été dissimulés par l’arbitre, mais également des éléments nouveaux inconnus au moment de la déclaration d’indépendance.
Cet arrêt nous rappelle que, de manière générale, les parties doivent porter une attention toute particulière à l’impact de leurs relations sur la pérennité de leur sentence.
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[1] Cass. civ. 1ère, 25 juin 2014, n°11-26.529. [2] Cass. civ. 1, 10 octobre 2012, n°11-20299.