Attendu depuis de longues années, un avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 a été signé entre la France et le Luxembourg, le 5 septembre 2014, et met logiquement fin au régime particulier ayant permis l’exonération des plus-values immobilières sur cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière situées en France, détenues directement ou indirectement par des associés luxembourgeois.

Ces plus-values seront désormais imposables au lieu de situation de l’immeuble.

Cet avenant va modifier de façon substantielle la situation des investisseurs internationaux en matière immobilière, telle qu’elle résultait de la jurisprudence du Conseil d’État et de la doctrine administrative.

Cette exception tout à fait unique résultait de l’absence de définition autonome et de règle particulière prévues dans la convention fiscale franco-luxembourgeoise pour l’imposition des revenus immobiliers des entreprises industrielles et commerciales.

En effet, la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne prévoyait pas de règle particulière pour l’imposition des plus-values immobilières des entreprises industrielles ou commerciales. Cette lacune était comblée par la position des juridictions administratives et confortée par la doctrine administrative:

  • Le Conseil d’État indiquait depuis un arrêt du 22 mai 1992 (n° 63266, 8e et 9e s-s., SPA Raffaella) qu’il y avait lieu de considérer les revenus des immeubles possédés par une entreprise industrielle ou commerciale comme des recettes commerciales, conformément à la définition du droit interne français.
  • L’administration fiscale française avait confirmé dans une instruction du 4 août 2000 (8 M-3-00) que les plus-values réalisées par des sociétés luxembourgeoises lors de la vente d’immeubles en France n’étaient pas visées à l’article 3 de la convention, mais relevaient de l’article 4. Ainsi « les revenus tirés de biens immobiliers situés en France par des sociétés qui ont leur domicile fiscal au Luxembourg ne sont pas imposables en France à l’impôt sur les sociétés, à moins que ces biens immobiliers ne se rattachent effectivement à un établissement stable possédé en France par ces sociétés. »

Les autorités fiscales françaises et luxembourgeoises avaient signé un avenant le 24 novembre 2006, applicable au 1er janvier 2008, permettant l’imposition en France des revenus fonciers et des plus-values immobilières de source française, mais uniquement dans le cas d’une détention directe des immeubles, ou d’une détention au travers de sociétés véritablement « transparentes ».
Les sociétés civiles françaises, ayant une personnalité fiscale distincte de celle de leurs associés, n’étaient donc pas visées par l’avenant de 2006 et la cession des titres de sociétés immobilières françaises par des sociétés luxembourgeoises demeuraient exonérée.

Le nouvel avenant du 5 septembre 2014 à la convention fiscale franco-luxembourgeoise précise désormais que « les gains provenant de l’aliénation d’actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou toute autre institution ou entité, dont l’actif ou les biens sont constitués pour plus de 50 % de leur valeur ou tirent plus de 50 % de leur valeur – directement ou indirectement par l’interposition d’une ou plusieurs autres sociétés, fiducies, institutions ou entités – de biens immobiliers situés dans un État contractant ou de droits portant sur de tels biens ne sont imposables que dans cet État. »

À l’avenir, les investissements immobiliers des sociétés luxembourgeoises en France ne bénéficieront plus d’une fiscalité spécifique et seront imposables en France dans les conditions de droit commun. Ainsi les plus-values de cession de titres de sociétés françaises à prépondérance immobilière par des sociétés luxembourgeoises seront soumises au prélèvement du tiers, en application de l’article 244 bis A du CGI.
 
Les modalités d’application de l’avenant de 2014 sont les suivantes : L’exception immobilière de la convention fiscale franco-luxembourgeoise n’est plus Si les procédures de ratification et de notifications diplomatiques sont finalisées d’ici le 30 novembre 2014, le nouvel avenant pourrait théoriquement s’appliquer dès le 1er janvier 2015 pour les sommes imposables par voie de retenue à la source et à tout exercice commençant le 1er janvier ou après le 1er janvier 2015 pour les autres revenus.

Pour les sociétés luxembourgeoises détenant indirectement des immeubles français, les conditions dans lesquelles elles pourront légitimement bénéficier des avantages offerts par la convention dans sa version actuelle sont à étudier. Les cessions à un tiers réalisées sous l’empire de la convention actuelle ne devraient pas être remises en cause par l’administration fiscale française, au prétexte qu’elles interviendraient entre la date de signature de l’avenant de 2014 et sa date d’application. En revanche, l’administration pourrait être tentée de remettre en question le régime fiscal actuel pour les réorganisations « internes », notamment au regard de plusieurs avis défavorables aux contribuables, au sujet de restructurations organisées autour de la date d’entrée en vigueur de l’avenant de 2006 (affaires 2013-29, 2013-30, 2013-31, 2013-32 et 2013-53) du comité de l’abus de droit fiscal. En tout état de cause, il est fort probable que l’administration fiscale française examinera de près les opérations menées par les groupes entre le 5 septembre 2014, date de signature de l’avenant de 2014, et sa date d’application.

Contact : stephanie.pollet@squirepb.com