Nous écrivions dans ces colonnes, au mois d’octobre 2008, un article rappelant les dispositifs essentiels de l’Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés (« AGS ») permettant aux salariés travaillant sur le territoire français d’être partiellement payés lorsque leur employeur est en faillite. Dans le contexte actuel de crise économique, nous constatons que les institutions européennes s’arment préventivement de dispositions afin de protéger les salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur. C’est ainsi que le 22 octobre 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté la directive 2008/94/CE.

Cette directive, qui remanie les précédentes directives des 20 octobre 1980 et 23 septembre 2002, rappelle aux Etats membres la nécessité de « mettre en place une institution [qui assure un minimum de protection] qui garantisse aux travailleurs le paiement des créances impayées». La Directive fixe des principes essentiels et laisse une grande marge de manœuvre aux Etats membres dans leur mise en application.

Notamment, il revient aux Etats membres de préciser la situation d’insolvabilité de l’employeur, la directive indiquant toutefois qu’elle correspond à « l’ouverture d’une procédure collective entraînant le dessaisissement partiel ou total de l’employeur ».
La garantie des salaires doit profiter au plus grand nombre possible de salariés. La directive interdit expressément que les Etats membres puissent exclure de ce bénéfice les salariés à temps partiel, les travailleurs intérimaires ainsi que les salariés ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée. La directive proscrit également que la protection accordée aux salariés soit subordonnée à une « durée minimale du contrat de travail ou de la relation de travail ».

S’agissant de l’étendue de la période garantie, il appartient aux Etats membres de définir « la durée de la période donnant lieu au paiement des créances impayées par l’institution de garantie». La directive précise que doit être garantie la rémunération des trois derniers mois de salaire au minimum précédant l’ouverture de la procédure collective. L’article L. 3253-2 du Code du travail français garantit « les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail ». Au-delà de cette période, la créance demeure garantie mais avec un rang de privilège inférieur (donc avec un risque de non paiement). Une réforme sur ce point pourrait être envisagée à la lumière de la directive.

La directive autorise les Etats membres à prévoir des plafonds aux paiements effectués par l’institution de garantie sous réserve que ces plafonds correspondent « à un seuil socialement compatible avec l’objectif social de la directive ». En France, il est rappelé que l’AGS garantit par salarié et pour toutes créances confondues un montant limité, suivant l’ancienneté, entre 4 fois et 6 fois le plafond annuel de cotisations de l’assurance chômage (c’est à dire entre 44.368 € et 66.552 € pour l’année 2009). Le décret du 24 juillet 2003 avait drastiquement réduit ce plafond qui était deux fois et demi supérieur ! De plus, la garantie de l’AGS est réduite à une portion congrue pour les créances résultant de l’exécution de contrats de travail en cours de liquidation judiciaire (2 fois et 3 fois le plafond mensuel de sécurité sociale, c’est à dire entre 5.546 € et 8.319 € pour l’année 2009).

Doit-on s’interroger sur le fait de savoir si les plafonds de l’AGS sont « socialement compatible » avec les objectifs de la directive (garantir le paiement des créances impayées) lorsque des salariés ayant une grande ancienneté peuvent prétendre à des indemnités de rupture (préavis compris) largement supérieures ? Ces cas de figure, qui étaient rares autrefois, se multiplient aujourd’hui avec l’abaissement des plafonds. La directive du 22 octobre 2008 risque de trouver toute son utilité dans ce débat.