L’affaire opposait les associés d’une société civile professionnelle ayant décidé de se séparer et dont la convention de rachat des titres par la société prévoyait une clause d’arbitrage.
Les parties à un contrat relatif à des intérêts professionnels, sont libres de soumettre leurs litiges éventuels à l’arbitrage par l’insertion d’une clause compromissoire. Elles sont tout aussi libres, en vertu de l’article 1474 du NCPC, de décider que leur litige soit tranché en droit seulement ou en amiable composition. Pour que l’arbitre puisse statuer en amiable composition les parties doivent lui avoir conféré cette mission dans la convention d’arbitrage, auquel cas la sentence n’est pas susceptible d’appel, à moins que les parties l’aient expressément prévu en application de l’article 1482 du NCPC. A contrario, l’article 1482 du NCPC prévoit que si l’arbitre statue en droit la sentence est susceptible d’appel, sauf convention contraire des parties.
Le choix du mode de règlement des litiges dans le contrat s’impose évidemment à l’arbitre. Lorsque la règle juridique régissant le contexte économique est bien établie l’arbitrage en droit semble plus prévisible et sûr ; si, toutefois, il n’existe pas de règles clairement définies pour régir la situation créée par les parties, l’amiable composition pourrait constituer le mode de règlement le plus adapté pour résoudre le litige.
L’appel étant en principe exclu lorsque l’arbitre a statué en équité et que les parties ne s’en sont pas réservées la faculté de manière expresse, il ne leur reste que le recours en annulation pour faire disparaître la sentence. Les cas d’ouverture sont limitativement énumérés à l’article 1484 du NCPC, notamment le cas de l’arbitre ayant statué sans se conformer à la mission qui lui a été conférée.
En l’espèce le requérant au pourvoi prétend que l’arbitre, investi par les parties d’un pouvoir d’amiable composition, ne se serait pas conformé à cette mission à savoir l’obligation de trancher le litige selon l’équité faute d’en avoir fait mention expresse dans la sentence.
Ce moyen au pourvoi se fonde sur une jurisprudence remarquée du 15 février 2001 rendue par la 2ème chambre civile, dont l’apport principal est qu’elle invitait l’arbitre statuant en amiable compositeur à mentionner expressément dans la sentence qu’il a tranché en équité (en amiable composition). Certains ont tenté de justifier cette exigence formelle par le contrôle limité aux cas d’ouverture prévus à l’article 1484 du NCPC qu’exerce le juge saisi du recours en annulation, lequel ne peut contrôler le fond de la sentence en raison de l’autonomie de l’arbitrage.
Toutefois, les Hauts magistrats de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en rappelant les pouvoirs d’amiable compositeur conférés à l’arbitre tant par la clause d’arbitrage que par un procès-verbal d’arbitrage ultérieur et en précisant que l’arbitre « …en fondant sa décision sur les clauses de la cession du contrat de bail à laquelle les parties à l’arbitrage sont tiers, … avait entendu faire référence à l’équité, malgré l’absence de mention explicite des pouvoirs conférés par les parties …» et qu’en conséquence l’arbitre s’est confirmé à sa mission.
Décider le contraire aurait eu pour conséquence fâcheuse d’impliquer qu’à défaut de référence expresse de la mission d’amiable composition dans la sentence l’arbitre serait réputé avoir statué en droit et sa sentence susceptible d’appel et, par voie de conséquence, soumise au contrôle de la Cour de cassation en tant que gardienne de l’unité d’interprétation de la règle de droit en France.
L’arrêt commenté semble revenir sur la jurisprudence antérieure en redonnant au terme d’ « équité » son contenu, car, sans qu’il soit inutile pour l’arbitre de qualifier sa démarche, ce qui compte est la motivation de la sentence, le raisonnement suivi, comme l’a déjà décidé la Cour d’appel de Grenoble dans l’arrêt Eurovia du 15 décembre 1999 . Ainsi, l’on pourrait dire que l’équité se caractérise par la recherche de la solution la plus juste en l’espèce. L’équité ne s’oppose pas forcément à la règle de droit mais oblige l’arbitre, investi d’une mission d’amiable compositeur, à vérifier sa conformité à l’équité. Ainsi, a été jugé conforme à la recherche d’une solution d’équité celle consistant à comparer le comportement des parties et à rechercher le juste rapport à établir entre leurs intérêts respectifs. (Cass. civ. 2ème 26juin 2003, Bull. civ. 2003 II n° 59)
L’absence de référence expresse à l’équité dans la sentence n’est donc pas constitutive d’une méconnaissance de sa mission d’amiable compositeur, dès lors que la motivation de la sentence fait apparaître qu’il a bien statué en équité. En l’espèce, le juge a déduit d’une solution qui ne s’imposait pas juridiquement l’exercice effectif de sa mission par l’arbitre, laquelle était de statuer en amiable compositeur. La 1ère chambre civile se prononce ainsi contre le critère formel dégagé par la 2ème chambre civile confirmant par la même un précédent arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 10 mai 2007 selon lequel « l’omission formelle de toute référence à l’équité n’implique pas que l’arbitre ait pour autant méconnu sa mission » .