Ouverte sur le Parc Monceau et le boulevard Malsherbes, derrière la monumentale grille en fer forgé de Davioud (architecte en vogue sous Napoléon III), l’avenue Velasquez commémore Diego Velasquez (1599-1660) et aligne ses hôtels particuliers cossus, véritables lieux de mémoire.
En 1852, la ville de Paris, alors propriétaire du terrain du Parc Monceau ayant appartenu à la famille d’Orléans, avait chargé les frères Pereire de l’aménagement des alentours du parc. On doit aux frères l’érection de 8 somptueux hôtels particuliers très vite convoités par la bourgeoisie enrichie du second Empire.
• Au 7 s’élève le musée Cernuschi, propriété du financier Henri Cernuschi, qui résidait au milieu de ses collections, comme les Camondo et les Jacquemart-André un peu plus loin (rue Monceau et boulevard Haussmann). Inauguré en 1898, il est l’un des plus anciens musées de la Ville de Paris. Dédié aux arts asiatiques, à l’instar du musée Guimet, de l’Antiquité à la fin du Moyen-Age, il est répertorié comme le cinquième musée d’art chinois en Europe.
• Le 5 abrite depuis 1998 la SCAM (société civile des auteurs multimédia). Autrefois, Alfred Chauchard, grand collectionneur, était l’heureux propriétaire de cet hôtel. Il avait fait fortune grâce aux frères Pereire en construisant les Grands Magasins du Louvre. A la mort de Chauchard, son importante collection de peinture a été léguée au Musée du Louvre. Sur la façade figure encore la gueule du « Lion du Louvre » réalisée par Aimé Morot.
• Au 2 est situé l’hôtel particulier de Madame Back de Surany, mélomane, dont le salon était dédié à la musique. Elle est l’héritière d’une dynastie de commerçants viennois, propriétaires de grands magasins dans l’empire ottoman. La famille Back, juive austro-hongroise, a prospéré dans le négoce en association avec la famille Orosdi, dont Adolf, beau-frère de Maurice Back, officier de la cause nationale hongroise en 1848. Le nom de Philippe Back (1862-1958) est gravé comme bienfaiteur sur les murs de la grande synagogue du Caire. On lui doit les premières collections égyptiennes du musée de Budapest. Pour le remercier, l’Empereur François-Joseph l’a anobli en 1909 et lui a accordé en 1914 le patronyme de Back de Surany. Son frère ainé, Herman, consul de Perse, qui avait opté pour le nom de Back de Surany, avait habité cet hôtel où il menait grand train. Aujourd’hui le 2 avenue Velasquez abrite Châteauform’ sur le pouce qui, avec ses 2.000m², dispose d’une dizaine de salles de réunions pour conférences de presse, cocktails, réunions de courte durée, négociations discrètes, le tout dans un lieu de charme et convivial. Avant l’arrivée de Châteauform’, l’hôtel était occupé par Clara Gaymard, maîtresse de maison, en sa qualité de déléguée générale d’Invest in France.
• Enfin et surtout, le 4 que nous occupons entièrement depuis 2004, était autrefois la propriété de Jules Goüin, régent de la Banque de France. Son père, Ernest Goüin, était un adepte des idées modernistes des frères Pereire. A 31 ans, ce converti au « catéchisme industriel » avait établi sa première usine aux Epinettes pour manufacturer des locomotives, et, à partir de 1852, des constructions métalliques, dont les ponts d’Asnières et de la proche rue du Rocher. Cet homme, selon lequel « la puissance n’est légitime que si elle s’exerce pour le bien de tous » (ce n’est pas semble-t-il l’avis de l’actuelle majorité), avait fondé une « société de secours mutuel » pour ses ouvriers et financé l’hôpital de Clichy, aujourd’hui hôpital-dispensaire Goüin, établissement de santé privé à but non lucratif. Ses héritiers, notamment son fils Jules prenant sa suite au 4 avenue Velasquez, ont poursuivi l’entreprise en construisant au 75 rue Pouchet, une unité de logement social exemplaire en matière d’hygiène et confort pour le personnel de l’usine des Epinettes. L’hôtel particulier passa ensuite à leur fils, Edouard-Enerst Goüin jusqu’en 1922. Aujourd’hui encore bien des sociétés, telles Spie Batignolles, prolongent l’action visionnaire d’Ernest Goüin.
Pour une visite guidée de l’avenue Velasquez et de Squire Sanders, adressez-vous à la rédaction.