Sur demande du Garde des sceaux, le Vice-président du Conseil d’Etat a constitué un groupe de travail afin qu’une réflexion soit engagée sur les hypothèses et les conditions dans lesquelles les personnes morales de droit public pourraient recourir à l’arbitrage pour le règlement de leurs litiges, à l’exception de ceux relatifs au contentieux des actes administratifs unilatéraux. Le dépôt des conclusions du rapport de ce groupe prenant le nom de son président, le rapport « Labetoulle » en mars 2007 (voir notre article) a suscité de vives réactions de la part des praticiens de l’arbitrage qu’ils soient favorables ou non, au recours à l’arbitrage par les personnes morales de droit public (T. Clay, « Arbitrage pour les personnes morales de droit public : le grand bazar ! », LPA 24-25 mars 2008). Le groupe de travail ayant estimé possible d’autoriser de manière générale le recours à l’arbitrage pour ce qui concerne les litiges contractuels intéressant les personnes morales de droit public.

Nous savons que le recours à l’arbitrage par les personnes morales de droit public est encadré en France par l’article 2060 du Code civil, lequel dispose que « l’on ne peut compromettre […] sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics à caractère industriels et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ». Le second alinéa de l’article prévoit cependant que « toutefois, des catégories d’établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisés par décrets à compromettre ».

En matière internationale, la Cour de cassation a jugé que la prohibition de compromettre frappant les personnes morales de droit public était inapplicable « à un contrat international passé pour les besoins et dans les conditions conformes aux usages du commerce maritime » ( Cass. 1re civ., 2 mai 1966 : JDI 1966, p.648, note P.Level) , la formule ayant été rapidement généralisée aux contrats internationaux. La question semblait dès lors clarifiée pour les praticiens.

L’affaire soumise par l’INSERM au Conseil d’Etat (E sous sections 7 et 2 réunies, 31 juillet 2009 INSERM/Fondation Letten), lequel a prononcé le renvoi au Tribunal des conflits, relance le débat de la compétence des ordres de juridiction pour se prononcer sur un recours contre une sentence rendue en matière internationale et impliquant un établissement public.

Le Conseil d’Etat énonce :

« Considérant que l’INSERM demande l’annulation d’une sentence arbitrale rendue dans le cadre d’un litige relatif à l’application du protocole d’accord signé avec la Fondation Saugstad, association de droit norvégien ; (…) qu’à l’appui de sa requête, l’INSERM fait valoir que le Conseil d’Etat est compétent pour se prononcer en appel sur une sentence arbitrale relative à un litige opposant une personne publique à un cocontractant dès lors que le contrat en cause revêt le caractère d’un contrat administratif ; que l’Institut soutient notamment que la convention le liant à la fondation consiste en une « offre de concours » en vue de la réalisation d’un travail public dont la juridiction administrative est seule compétente pour connaître et que cette dévolution de compétence n’est pas affectée par la circonstance que l’acte contesté est une sentence arbitrale portée en vertu de l’article 1505 du Code de procédure civile devant la Cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue ; que, toutefois, la Cour d’appel de Paris s’est, par un arrêt en date du 13 novembre 2008, reconnue compétente et a rejeté la demande d’annulation de cette sentence arbitrale présentée par l’INSERM ; que ces questions soulèvent des difficultés sérieuses de nature à justifier le recours [au Tribunal des conflits] ; qu’il y a lieu, par suite, de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l’action introduite par l’INSERM relève ou non de la compétence de la juridiction administrative ».

Cette affaire présente également la particularité (et l’intérêt pour les praticiens) d’avoir une position jurisprudentielle sur la notion d’intérêts du « commerce » dans la mesure où elle oppose une association et un établissement public quant à la construction d’un bâtiment de recherche à but, semble-t-il, non lucratif.

Affaire à suivre…