Cass. soc. 1er juillet 2009 n° 07-42.675
En l’espèce, un salarié employé en qualité de « démarcheur livreur », estimant être moins bien rémunéré que d’autres salariés de l’entreprise, avait saisi la juridiction prud’homale pour lui demander notamment de condamner l’employeur au paiement d’un rappel d’indemnité de congés payés.
Selon la convention collective applicable, les salariés non-cadres bénéficient de 25 jours de congés payés par an alors que les cadres bénéficient de 30 jours de congés payés par an.
En dépit de l’argumentation de l’employeur, qui plus est retenue par la Cour d’appel, qui consistait à dire qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit aux partenaires sociaux de prévoir un nombre de jours de congés différent selon les catégories professionnelles et que les contraintes spécifiques aux cadres, notamment l’importance des responsabilités qui leur sont confiées, justifient une différence de traitement, la Cour de cassation décide que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».
En étendant ainsi le principe « d’égalité de traitement » aux avantages prévus par un accord collectif, la Haute juridiction fait non seulement fi des termes de la convention collective, pourtant négociés par les partenaires sociaux, mais ne peut également pas ignorer que cela risque d’emporter de lourdes conséquences pour les entreprises.
En effet, nombre de dispositions collectives prévoient d’appliquer des dispositions spécifiques en fonction du statut du salarié (indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail, jours de congés supplémentaires comme en l’espèce, avantages prévoyance… ).
Même s’il s’avère qu’objectivement bien souvent « rien » ne justifie vraiment que les cadres bénéficient d’une différence de traitement, l’arrêt rendu par la Chambre sociale n’en constitue pas moins une « bombe » qui met potentiellement fin aux régimes de mutuelle ou de prévoyance différenciés d’un point de vue conventionnel selon les catégories professionnelles, à la différenciation des indemnités de licenciement ou de départ ou de mise à la retraite.
Un non-cadre pourrait tenter de se prévaloir des avantages prévus pour les cadres en matière de prévoyance par exemple, si ce n’est que les taux de cotisations sont souvent sensiblement différents !! Que conviendra-t-il de faire dans ce cas ?
La Cour de cassation précise que la différence de traitement doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. Elle exige des juges du fond de rechercher si l’avantage octroyé (aux cadres) était justifié par des raisons objectives et pertinentes, à défaut de quoi leurs décisions sera privée de base légale… En matière de prévoyance, le fait pour un cadre de payer une cotisation d’un montant supérieur justifie-t-il une différence de traitement ?
Comment vont réagir les juges du fond face à un afflux massif de demandes émanant d’OETAM réclamant le paiement des mêmes indemnités de licenciement ou autres indemnités applicables aux cadres ?
C’est toute la négociation collective qui est remise en cause, tout l’équilibre des conventions collectives et accords collectifs aujourd’hui en vigueur qui est ainsi ébranlé. Potentiellement, ce sont toutes les conventions collectives et tous les accords collectifs qui devront être revisités et renégociés.
Demain des dizaines de milliers de licenciés pour motifs économiques ou pour motifs personnels pourraient assigner leur ancien employeur sur ce fondement si leur convention collective prévoit une indemnité de rupture différenciée… Il en est de même des salariés ayant été mis à la retraite ou ayant spontanément fait valoir leur droit à retraite.
C’est une révolution profonde qui est en marche qui va nous conduire à l’uniformisation des conventions collectives et accords collectifs.
Après la mise à mort des bonus discrétionnaires, la Cour s’attaque aux avantages résultant de la négociation collective. « Tous égaux, en rang, alignement et rien ne dépasse ! ».