De tout temps, l’atteinte à la propriété, soit plus généralement l’usurpation du bien d’autrui, fait l’objet d’interdits légaux.

Appliquée aux droits du propriétaire d’une marque de fabrique, de commerce ou de service, l’atteinte ou l’usurpation est qualifié d’acte de contrefaçon de marque.

Le législateur n’a pas pris le soin de définir la marque de fabrique. Selon la doctrine ce terme représente la dénomination ou le signe graphique ou sonore qui caractérise l’activité économique d’une personne ou d’une entreprise dont la propriété s’acquiert par l’enregistrement à l’Institut national de la propriété industrielle (« INORPI »).

Consciente des enjeux, bien avant sa révolution, la Tunisie a été l’un des premiers pays à protéger la propriété intellectuelle, avant même la naissance de cette branche de droit. Ainsi, le premier texte règlementant la marque de fabrique (élément constitutif  de la propriété intellectuelle) remonte au 19ème siècle à travers un décret beycal du 3 juin 1889.

Ce décret a été appliqué pendant plus d’un siècle jusqu’à la promulgation de la loi n°36 du 17 avril 2001 portant sur la protection des marques de fabrique, de commerce et de service  qui a été partiellement modifiée par la loi n° 50 du 23 juillet 2007.

Outre l’instauration d’un système juridique interne qui assure la protection légale du titulaire de la marque de fabrique, la Tunisie a ratifié plusieurs conventions internationales visant la protection de la propriété intellectuelle d’une façon globale, y compris la marque de fabrique, parmi lesquelles la convention du 15 avril 1994 portant création de l’Organisation Mondiale du Commerce et son annexe dénommée « Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce »  désigné aussi par l’abréviation : Accord sur les ADPIC.

Cet accord prévoit une protection minimale à respecter par les États signataires concernant les droits de propriété intellectuelle.
En examinant les lois tunisiennes régissant la matière, on constate que le législateur a instauré un principe d’interdiction de toute forme de contrefaçon (I) et des sanctions lourdes en cas de violation (II) :

I. Principe d’interdiction de toute forme de contrefaçon

Dès son enregistrement au registre national des marques de fabrique, après une demande envoyée à « INORPI », cette marque est protégée contre toute atteinte au droit de propriété et d’exploitation exclusive conféré à son titulaire.

Vu la diversité des formes d’atteinte à la marque de fabrique, le législateur était soucieux d’élargir le champ d’interdiction à toute forme d’atteinte au droit exclusif d’exploitation de la marque inhérent à son titulaire.

Aux termes de l’article 22 de la loi n°36 du 17/04/2001, constitue une contre façon:

«a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement,

b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée. »

Il faut noter que cette interdiction s’applique non seulement aux produits identiques (comme l’a prévu l’article 22 sus-indiqué) mais  aussi aux produits similaires tant qu’il y a un risque  de confusion dans l’esprit du public consommateur, (Article 23 de la loi n°36 du 17/04/2001)

II. Les sanctions prévues en cas de contrefaçon

La contrefaçon  constitue un délit sanctionné autant sur le plan civil que pénal.

La loi donne le choix aux personnes qui en sont victimes d’exercer une action civile pour demander la réparation de leurs préjudices matériels et moraux ou de déposer une plainte et se constituer par suite partie civile dans le but de se prévaloir de leurs droits.

Aux termes de l’article 44 de la loi de 2001 « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur. »

Par conséquent, les sanctions sont de 2 natures ; civiles et pénales.

A. Sanctions pénales :

  • selon article 51 de loi n°50  du 23 juillet 2007 « est  puni d’une amende de 10 000 à 50 000 dinars quiconque aura :
  1. contrevenu aux dispositions des articles 22 et 23 de la présente loi.
  2. importé des marchandises présentées sous une marque contrefaite. »
  • l’emprisonnement ne peut être ordonné qu’en cas de récidive.

B. Les sanctions communes en matière civile et pénale :

  • la publication du jugement condamnant le contrefacteur ;
  • la saisie et la destruction des produits contrefaits à la charge du responsable de la contrefaçon ; (en droit français l’article L14-716 du code la propriété intellectuelle prévoit que les produits contrefaits seront confiés à la victime de la contrefaçon) ;
  • la réparation du préjudice subi sur la base de la responsabilité délictuelle qui concerne le préjudice matériel résultant du manque à gagner enregistré par le propriétaire de la marque, ainsi que le préjudice morale subi du fait de la perte de confiance des consommateurs sur l’originalité de la marque ;
  • l’interdiction de toute utilisation de la marque contrefaite et la déclaration de sa nullité.

On constate donc, une volonté étatique réelle et sérieuse pour sanctionner toute forme d’usurpation et d’atteinte à la marque. Un conseil national de lutte contre la contrefaçon a d’ailleurs été créé par le décret n° 2009-418 du 16 février 2009 qui fixe aussi ses attributions, sa composition et les modalités de son fonctionnement.

Ce conseil, placé sous la tutelle du ministère du Commerce et de l’Artisanat a une vocation consultative. Il est chargé de donner son avis sur les programmes nationaux de lutte contre la contrefaçon, de coordonner les différentes administrations et organismes concernés lors de la mise en place des plans d’action en matière de contrôle, d’information, de sensibilisation et de coopération régionale et internationale.

L’ensemble de ces mesures constituent un facteur majeur pour rassurer les investisseurs sur la sécurité de leur patrimoine industriel et promouvoir par conséquent leur compétitivité.
 
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Mouna Atrous, avocate au Barreau de Tunisie, effectue un stage au sein de Squire Sanders, dans le cadre d’un programme d’accueil de jeunes avocats organisé par le Conseil national des Barreaux en collaboration avec le barreau tunisien.