L’applicabilité manifeste de la clause d’arbitrage à un ensemble contractuel

Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2014, n°13-17495
La Cour de cassation s’est à nouveau prononcée, le 9 juillet 2014, sur la question de l’applicabilité d’une clause compromissoire à un tiers au contrat dans lequel elle s’insère. Cet arrêt s’inscrit dans la suite logique d’une série de décisions rendues par la cour régissant l’applicabilité de la clause d’arbitrage dans un ensemble contractuel.[1]

Dans cette décision, la Cour rappelle que « l’effet d’une clause d’arbitrage international s’étend aux parties directement impliquées dans l’exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter » dès lors qu’elles « ont eu connaissance de l’existence et de la portée de la clause d’arbitrage ».

C’était précisément le cas en l’espèce. La Cour a en effet considéré qu’un contrat d’assurance et une transaction conclue entre l’assureur et son assuré en présence du cessionnaire de ce dernier, dont la violation avait été soulevée par le cessionnaire, constituaient un ensemble contractuel. C’est ainsi que le cessionnaire ne pouvait prétendre être étranger au contrat d’assurance, ayant « nécessairement connaissance » de la convention et de la clause compromissoire y figurant. Cette clause compromissoire n’était dès lors pas manifestement inapplicable au litige opposant les sociétés en cause.

Toutefois, dans ce même arrêt, la Cour a néanmoins rejeté l’application de la clause compromissoire contenue dans le contrat de réassurance au litige entre le cessionnaire et le réassureur au motif que le cessionnaire avait poursuivi le réassureur sur un fondement délictuel pour avoir contribué à la violation de la transaction par l’assuré, et non pour réclamer l’exécution du contrat de réassurance auquel le cessionnaire est étranger. Ces contrats n’ayant aucun lien entre eux, la clause compromissoire était inapplicable au litige.

Cet arrêt illustre parfaitement la position classique de la jurisprudence sur l’applicabilité de la clause d’arbitrage dans le cadre d’un ensemble contractuel ou encore d’un groupe de contrats. Il est ainsi possible de se prévaloir d’une clause compromissoire stipulée dans l’un des contrats d’un ensemble contractuel, sans qu’il soit pour autant nécessaire qu’elle soit insérée dans le contrat dont la violation est alléguée. Il est donc logique d’exclure l’applicabilité de la clause d’arbitrage en l’absence de tout lien contractuel dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle.   [1]                Pour un autre exemple récent en matière d’arbitrage : Cass. Civ. 1, 2 avril 2014, n°11-14.692. À rapprocher également de notre commentaire du 27 juin 2014 sur l’arrêt du 4 mars 2014 relatif à la portée de la clause attributive de juridiction dans les groupes de contrats.

L’absence d’inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage au liquidateur d’une société

Cass. Civ. 1ère, 29 janvier 2014, n°12-29104

Un autre exemple intéressant est celui de la question de l’applicabilité de la clause compromissoire stipulée dans une convention de cession d’actions au liquidateur d’une société placée en liquidation judiciaire ; le liquidateur ayant sollicité la nullité de ladite convention devant le Tribunal de commerce.

La Cour d’appel avait jugé que, le « liquidateur n’étant pas partie au contrat stipulant la convention d‘arbitrage, celle-ci est étrangère au litige ». Or, pour rejeter la compétence du Tribunal de commerce, la Cour de cassation a rappelé que « le liquidateur se substitue au débiteur dessaisi pour agir en son nom » et que la clause compromissoire contenue dans l’acte de cession n‘était dès lors pas manifestement inapplicable au sens de l’article 1448 du Code de procédure civile. Cette solution se limite toutefois à l’exercice des droits et actions du débiteur sans pour autant s’étendre à l’action en responsabilité exercée au nom et pour le compte de la collectivité des créanciers.

De ce fait, ces deux arrêts illustrent clairement la volonté d’assurer une compétence prioritaire à l’arbitre afin de permettre l’application du principe de compétence-compétence. En effet, cette faculté pour l’arbitre de se prononcer sur sa propre compétence n’est ainsi écartée, aux termes de l’article 1448 du Code de procédure civile, que dans le cas de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire.

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