Le manque d’efficacité des procédures judiciaires en matière de brevet en France est en général attribué à deux facteurs :

• la durée excessive des procédures ;
• le faible montant des dommages et intérêts accordés et l’insuffisance du remboursement des frais de procédure.

Or, sur le premier point, le ministère de la Justice n’a pas choisi à ce jour de désengorger les tribunaux en multipliant les tribunaux compétents en matière de brevets en France. Au contraire, par son décret du 30 décembre 2005, il a réduit et réorganisé la liste et le ressort des juridictions spécialisées en matière de propriété industrielle.

A l’heure où de chaudes discussions s’annoncent sur la nouvelle carte judiciaire et sur la création de tribunaux avec compétence exclusive en matière de propriété industrielle communautaire, il convient de se rafraîchir la mémoire en matière de compétence exclusive en matière de propriété industrielle car certaines concentrations ou re-localisations ont pu passer inaperçues, ce qui peut avoir des effets fâcheux pour les titulaires de droits.

La réduction du nombre de tribunaux compétents en matière de brevets, certificats d’utilité, certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs
Le nombre de tribunaux de grande instance ayant compétence exclusive en matière de brevets d’invention, de certificats d’utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs est passé de 10 à 7 par application du décret du 30 décembre 2005 qui a pris effet le 1er janvier 2006.

Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Limoges, Lyon, Nancy, Paris, Rennes et Toulouse étaient en effet jusqu’au 1er janvier 2006 les seuls tribunaux ayant compétence exclusive dans ces matières.

Après la réforme : Limoge et Nancy perdent leur compétence.

Les affaires qui tombent territorialement dans le ressort des cours d’appel de

• Besançon, Dijon et Nancy sont désormais sous la compétence du TGI de Strasbourg,
• celles qui dépendent de la cour d’appel de Bourges sont sous la compétence du TGI de Paris,
• de la cour d’appel de Limoges sous la compétence du TGI de Bordeaux,
• et de la cour d’appel de Riom sous la compétence du TGI de Lyon.

Une assignation mal orientée peut faire perdre le droit à agir au titulaire d’un brevet

Depuis le 1er janvier 2006, doit figurer un nouvel article dans le Code de la propriété intellectuelle en application du décret du 30 décembre 2005 :

A la suite de l’article R. 631-1 modifié (limité aux certificats d’obtention végétale et maintenant l’ancienne liste de 10 tribunaux de grande instance compétents), est inséré un nouvel article R. 631-2 comme suit :

« Ainsi qu’il est dit à l’article R. 312-2-1 du code de l’organisation judiciaire, le siège et le ressort des tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions en matière de brevets d’invention, de certificats d’utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs en application des articles L. 611-2, L. 615-17 et L. 622-7 du code de la propriété intellectuelle sont fixés conformément au tableau IV sextiès annexé au code de l’organisation judiciaire. »

Or, force est de constater que le texte n’est pas modifié dans l’édition du Code de propriété intellectuelle Dalloz de janvier 2006 et paru en février 2006, et que le tableau annexé dans ce code par référence au Code de l’organisation judiciaire modifié n’est pas mis à jour.

En outre, le site www.legifrance.gouv.fr ne permet pas un accès immédiat au tableau dans le code de la propriété intellectuelle, puisque ce dernier n’est censé figurer que dans le code de l’organisation judiciaire. Certains autres sites de praticiens reconnus dans le domaine de la propriété industrielle ont simplement omis de vérifier si la liste des tribunaux compétents qu’ils citaient dans leurs fiches pratiques étaient à jour.

Le risque est important et la vigilance doit être de mise.

La jurisprudence a sanctionné par la nullité une saisie contrefaçon, privant ainsi d’objet l’acte d’assignation subséquent, qui avait saisi un tribunal qui n’était pas compétent territorialement (TGI de Lille 20 décembre 2005 affaire Legrand, n°01/07937).

Il convient d’envisager qu’un tribunal incompétent matériellement en matière de brevets saisi par erreur par le titulaire du brevet n’interromprait pas non plus la prescription de 15 jours.

Cette mauvaise orientation a pour effet de faire perdre au titulaire de droit l’opportunité de faire valoir ses droits à l’encontre d’un contrefacteur. En effet, les délais fixés par le Code de la propriété intellectuelle ne sont pas interrompus par une assignation portée devant un tribunal incompétent (cf. nullité de plein droit de la saisie L 615-5 al. 4 du CPI).

La morale de cette histoire : il faut lire La Revue, ne pas se fier aux informations figurant sur des sites qui n’ont pas été actualisés, avoir un code à jour et rester aux aguets des décrets.

A bon entendeur…