« C’est là, sur ces pentes, que nous avons tout découvert. Os d’animaux et excréments de cerfs. Oiseaux, fleurs, préservatifs. Corps d’animaux morts et corps d’hommes. Pierres et lézards. Le sexe et la mort ». Ainsi s’exprime la jeune narratrice de « L’homme de la montagne »[1] qui, avec sa cadette, vit son enfance qui se fane à l’école de la nature qui environne leur maison.

Leur mère, brisée par le départ de son mari volage, leur laisse toute latitude. Elles mêlent leurs imaginations trépidantes qu’exacerbent des meurtres en série de jeunes femmes perpétrés dans la région. On est loin des verts paradis enfantins et, dans l’esprit aventureux des héroïnes de Joyce Maynard, le sang des premières règles est associé à celui des victimes suppliciées du criminel. La crudité du langage de l’auteur ajoute au trouble.

La même franchise, sans fausse pudeur imprègne sa passionnante autobiographie intitulée « Et devant moi le monde »[2]. Joyce est élevée par une mère qui se pique d’écrire et qui éveille avec une généreuse exigence les talents naissants de ses deux filles. Elle se montrera précoce en matière d’écriture. Le meilleur de l’œuvre est dans l’aveu d’une sexualité qui peine à s’affirmer. Sa rencontre, à 18 ans,  avec un certain J.D.Salinger qui en a 53 n’arrangera rien. La jeune femme est folle amoureuse du « grand écrivain » qui s’entoure de mystère. L’image qui ressort de l’homme dont elle parle sans la moindre animosité paraît pourtant peu flatteuse : il l’abandonnera brutalement. On est par ailleurs en droit de s’interroger sur la valeur de son œuvre littéraire à lui, portée aux nues, mais qui relève plus de la mystification que du mythe. Les combats de Joyce Maynard , épouse, mère et écrivaine en disent long sur la lâcheté des hommes, les difficultés du monde de la presse et de l’édition et son obstination dans tous ces domaines font d’elle-même le plus beau portrait de femme qu’elle puisse tracer.

« Long week-end »[3] adopte le point de vue masculin : un jeune garçon qui vit seul avec sa mère raconte son existence bouleversée par l’arrivée d’un homme. Ce dernier redonnera à cette femme éteinte la joie de vivre mais son passé qui ressurgit brisera le rêve. Douloureux apprentissage pour le jeune héros.

Là encore, la sincérité des sentiments et la finesse de l’analyse, sans effets de style tapageurs, mais loin des conventions et de la banalité, offre une autre œuvre forte et bien construite, qu’on lit avec intérêt et plaisir.

 


[1] Éditions Philippe Rey 2014, 319 pages + 10/18 2015, 360 pages
[2] Éditions Philippe Rey 2011, 462 pages + 10/18  2012, 504 pages
[3] Éditions Philippe Rey 2010, 285 pages + 10/18  2011, 256 pages