Alors que la France peine à adopter un mécanisme de « class action », la crise financière mondiale fait ressurgir avec une acuité particulière cet outil procédural. Bien avant la crise, ces actions de classe concernaient souvent des investisseurs européens ayant acquis ou négociés des instruments financiers aux Etats-Unis.

Au terme d’une étude conduite aux Etats-Unis, 3,6 milliards de dollars d’indemnités concernant des instruments financiers (« securities class action ») n’ont pas été réclamés par les investisseurs européens pour la période 2000 à 2007 (alors que les investisseurs américains ont reçu 43,6 milliards depuis 1996). Ces sommes non réclamées ont donc été réparties entre les investisseurs qui s’étaient constitués dans les délais, souvent américains.

Ce décalage risque de s’aggraver avec l’impact actuel de la crise financière. Il est facile de comprendre que les sommes en jeux dans les actions de classe américaines, en cours et à venir (par exemple, Citigroup, Standard & Poors, Merrill Lynch, Lehman Brothers, Madoff…), impliqueront fortement les investisseurs privés et institutionnels européens dans les prochaines années.

La compréhension des mécanismes clefs de ces actions devient donc nécessaire. Ces procédures sont de deux orders, d’après le Federal Rule of Civil Procedure (art. 23). Les « class action » de droit commun, qui aboutissent souvent à une transaction et donc une indemnisation peu attractive, et les « opt out claims ». Dans cette seconde hypothèse, l’investisseur décide d’extraire de l’action de classe son préjudice individuel pour demander une réparation personnelle et directe. Ce mécanisme, possible en cours de procédure, permet généralement d’obtenir un niveau d’indemnisation supérieur, notamment pour des investisseurs ayant subi des préjudices importants.

La jurisprudence américaine actuelle est d’ailleurs très favorable aux actions engagées par des investisseurs étrangers (hors Etats-Unis). Le juge américain peut se déclarer compétent pour statuer, dès lors qu’un comportement frauduleux s’est produit aux Etats-Unis ou a un impact substantiel sur le marché américain, même si les titres concernés sont émis par des sociétés étrangères et ont été acquis par des investisseurs étrangers. C’est la « Foreign Cubed Analysis », récemment confirmée par la Cour d’appel fédérale de New York (Morrisson v. National Australia Bank Ltd, 23 oct. 2008). Cette tendance s’explique par la volonté d’éviter que le droit financier américain ne devienne un nouveau « paradis juridique » pour les fraudeurs.

En cette période d’appréciation des pertes potentielles ou réalisées sur des placements financiers qui se sont révélés peu fiables, voire à risque, demeurer informé sur les « class action » en cours ou à avenir pour, à terme, pouvoir agir au moment opportun et de la meilleure manière, semble de bonne stratégie. Cette attitude permettrait que les dommages-intérêts alloués par les juges américains soient versés aux victimes effectives de la crise actuelle. Il faut sans doute y voir un autre effet direct de la mondialisation.

Saluons l’initiative de Meeschaert qui rachète à ses clients l’ensemble des placements financiers réalisés dans des fonds / instruments Madoff et s’efforcera de saisir la justice américaine pour être indemnisé.